Chedia Mhirsi, experte internationale en éducation et ancienne fonctionnaire du programme « PISA » au ministère de l’Education a dressé, lors de son intervention ce mercredi (9 janvier 2019) sur les ondes radiophoniques, un bilan négatif du système éducatif tunisien.
« La Tunisie est parmi les premiers pays à avoir participé au programme PISA de l’OCDE en 2003 mais le processus a été interrompu par le ministère de l’Education pour la rentrée scolaire. Notons que le Maroc va participer pour la première fois et l’Algérie y a participé en 2015 et reprend sa collaboration en 2021.
« De mon avis, nous aurions pu profiter des données sur l’efficacité de notre système éducatif , l’organisation, le pilotage, la motivation et même sur l’absentéisme des élèves tunisiens. La réalité est que le taux d’absentéisme a explosé ces dernières années. C’est une banque de données très importante . C’est une décision qui va hypothéquer davantage l’éducation en Tunisie. Une décision qui est passée inaperçue et qui engage tout le pays. Le niveau d’éducation d’un pays est un indicateur important à prendre en compte dans le cas de l’obtention d’un crédit auprès du FMI et de la Banque mondiale.« , ajoute Mme Mhirsi.
D’après elle, si nous voulons que notre pays progresse , il est important d’investir dans l’éducation des élèves tunisiens.
Et d’ajouter qui’ « Il est important d’agir, nous avons atteint le taux de 20% d’analphabètes alors que la moyenne mondiale est de 18%. »
110 000 élèves abandonnent les bancs de l’école chaque année avec très peu d’acquis
D’après Mme Chedia Mhirsi : « le chiffre d’abandon scolaire atteint les 100 000 élèves par an auxquels on ajoute les 10000 élèves du primaire. Ce qui est alarmant c’est que ces derniers sortent avec très peu d’acquis. De plus, le taux de redoublement qui a atteint les 18% en 2017 au niveau du secondaire est un indicateur important de l’inefficacité du système et du nombre d’abandon scolaire. »
Selon elle, la pertinence des matières apprises est très importante car l’indice d’efficacité d’un système éducatif ne se mesure pas par les moyens alloués mais par le résultat des élèves.
« La qualité des enseignements est très importante. Selon l’enquête Teams 2011, concernant la maîtrise de la lecture, des mathématiques et des sciences, 57% des élèves tunisiens en 4ème année primaire n’atteignent pas le niveau mondial le plus bas, c’est à dire le premier niveau du primaire. Je voudrais savoir qu’est-ce qu’ils sont en train d’apprendre à l’école ? Les systèmes éducatifs efficaces interviennent en amont. Nous avons tous les chiffres bruts au niveau du ministère mais aucune analyse n’a été effectuée », précise Chedia Mhirsi.
Mme Chadia a aussi ajouté que les classes des collèges et lycées pilotes ne sont pas remplies c’est parce que le niveau éducatif a réellement baissé.
« Je voudrais que tous les élèves soient ensemble et que nous améliorions le niveau général des élèves au lieu de faire une distinction entre les lycées pilotes des autres lycées. Je pense que nous avons atteint les limites de ce système qui a montré son inefficacité. », dit-elle.
Les recommandations de Madame Chedia Mhirsi :
Mme Mhirsi recommande de s’intéresser aux enseignements prodigués en classe et d’arrêter de faire une sélection entre les élèves.
« Il faut se concentrer sur les fondamentaux en primaire c’est à dire la lecture en arabe, français et en anglais si possible. De plus, le recrutement et la formation des enseignants sont très importants. Sachez que 80% des enseignants du primaire n’ont pas un diplôme d’enseignement supérieur alors que dans l’indice mondial 80% sont diplômés du supérieur. Il faut des professeurs bilingues, qui connaissent l’informatique et qui maîtrisent les sciences et avoir le courage d’introduire un enseignement multilingue dans les sciences dès le primaire. L’essentiel c’est la maîtrise des disciplines fondamentales si on veut que le pays avance, »conclut -elle.