En 2018, le déficit commercial de la Tunisie atteint un nouveau record de 19 milliards de dinars. Ce déficit est globalement enregistré avec la Chine, l’Italie, l’Algérie, la Turquie et la Russie. L’expert en économie et en finance, Maher Belhadj, revient sur l’aggravation du déficit et son impact, ainsi que les solutions. Et ce, dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com.
A cet égard, M. Belhadj affirme que le déficit commercial de la Tunisie est en croissance très rapide. Parallèlement, les recettes en devises sont en augmentation, mais la croissance des décaissements en devises est de plus en plus importante, rapide et sévère.
En ce qui concerne les ressources en devises, il a précisé que l’export du phosphate et du pétrole est pris dans un engrenage depuis deux ans. Et que le gouvernement ne bouge même pas le petit doigt pour résoudre ce grand problème.
Par ailleurs, l’export des produits mécaniques et de l’agroalimentaire est en croissance. De même que le tourisme est en croissance, enregistrant huit millions de touristes dont trois millions d’Algériens, un million de Libyens et un million de Tunisiens résidents à l’étranger. Sachant que 90% de ces derniers 5 millions de touristes changent leurs devises au marché parallèle suite à la disponibilité de cash chez les contrebandiers et les collecteurs des devises au marché noir, à cause de la rigidité de la réglementation de change.
Par ailleurs, notre interlocuteur a indiqué que la résultante de l’export en 2018 nous donne une croissance de 20% par rapport à 2017. Sauf que le déficit commercial s’est aggravé de plus en plus et qu’il va prochainement toucher les 20 milliards de dinars. Et ce suite au déficit de la balance énergétique qui s’est cumulé.
Un déficit commercial avec l’Algérie, la Chine et la Turquie
Maher Belhadj souligne que parmi les plus grands déficits commerciaux enregistrés figure celui avec l’Algérie. Ce déficit est enregistré, selon ses propos, à cause de l’importation du gaz. Il faut donc en urgence signer une convention tuniso-algérienne. Cette dernière permettra le libre-échange en dinars tunisien et algérien directement et assurera un intérêt mutuel, sans passer par la devise étrangère. Elle permettra aussi d’exporter vers l’Algérie des produits tunisiens en contrepartie de nos importations en gaz et en pétrole, avec des privilèges fiscaux pour les deux pays.
S’agissant du déficit commercial enregistré avec la Chine et la Turquie, il préconise d’activer les clauses de sauvegarde des conventions commerciales signées avec ces deux pays.
Impact de l’aggravation du déficit commercial et solutions
Revenant sur l’impact de l’aggravation du déficit, M. Belhadj assure que le nouveau record enregistré en 2018 implique la dépréciation du dinar, augmente le manque de la liquidité, pousse l’Etat vers l’endettement extérieur, augmente l’inflation importée, le taux d’intérêt directeur ainsi que le taux du marché monétaire. Ce déficit freine également l’investissement, augmente le taux de chômage et sollicite l’instabilité sociale.
Pour y faire face, l’expert recommande l’intervention en urgence de la BCT. Notamment via le decashing, afin de soutenir le dinar.
Dans ce sens, on doit changer, à court terme, la totalité de la masse fiduciaire. Et ce, sous trois conditions qui sont déterminantes et indispensables :
- Dans une période très courte.
- A travers un compte bancaire ou postal, pour augmenter le taux de bancarisation des Tunisiens et pour assurer la traçabilité des fonds.
- Limiter les retraits en cash auprès des banques à 500 dinars par jour. Et ce pour pousser les Tunisiens à utiliser les moyens de paiement modernes du 21ème siècle. Notamment les cartes bancaires, le virement, le chèque certifié, etc. Et par conséquent, on pourra lutter contre le terrorisme, le marché informel, l’évasion fiscale et la corruption.
A moyen et long termes, on doit alléger la réglementation de change et la libération partielle du dinar. Et ce, pour garantir la confiance entre les citoyens, les investisseurs et l’Etat.
En conclusion, M. Belhadj a préconisé d’opter pour un nouveau plan fiscal. Il faut, à cet égard, donner aux consommateurs ou aux ménages des privilèges fiscaux. Il s’agit par exemple de ristourne sur l’impôt direct, par la déduction des charges d’investissement et des charges des produits de consommation durable et occasionnelle de l’assiette imposable. Ce qui obligera, selon ses dires, les différents intervenants à déclarer leurs chiffres d’affaires réels et réduira l’évasion fiscale en impôts direct et indirect, notamment la TVA et la taxe de consommation.
Par conséquent, l’Etat aura l’occasion d’améliorer le niveau du dinar, doubler la recette fiscale, réduire le déficit commercial, le taux d’inflation, le TMM et la pression fiscale. Et ce par la révision et la vraie mise à jour des paliers d’impôts vers la baisse de la pression fiscale. Ceci permettra de relancer l’investissement et de faire croître le PIB de 6% et plus.