Application de la Constitution, liberté d’expression, libertés individuelles, droits des femmes, justice transitionnelle, quels sont les progrès effectués en Tunisie dans ces domaines ?
Comme chaque année, l’organisation Human Rights Watch (HRW) publie son rapport mondial annuel, qui recense les nombreuses atteintes aux droits de l’homme dans le monde. Qu’en est-il pour la Tunisie?
HRW : » La liberté d’expression est respectée dans l’ensemble »
Selon le rapport, la liberté d’expression est respectée dans l’ensemble, avec notamment divers médias indépendants pouvant travailler librement.
Cependant, il précise: « Les autorités tunisiennes ont continué à poursuivre des personnes qui s’étaient exprimées de façon jugée contraire à la « morale publique » ou aux « bonnes mœurs ». »
Le rapport met également l’accent sur l’application de l’état d’urgence, annoncé en novembre 2015 suite à un attentat ayant coûté la vie à plusieurs gardes présidentiels. Toujours selon le rapport, « les autorités se sont servies de cet état d’urgence pour imposer une assignation à résidence de nombre de personnes accusées de menacer la sûreté de l’État ».
HRW reconnaît toutefois que les autorités ont fait quelques progrès pour rendre la législation conforme à la Constitution. De ce fait, en 2016, le Parlement a revu le Code de procédure pénale afin d’octroyer aux prévenus le droit de bénéficier de la présence d’un avocat lors de l’interrogatoire. De même, la garde à vue a été fixée à 48 heures, renouvelable une fois, pour tous les crimes excepté les cas de terrorisme (pour lesquels la garde à vue peut durer 15 jours). Des dépassements ont été constatés dans l’application de ces nouvelles dispositions pénales souligne également le rapport.
Justice transitionnelle
Le principe de justice transitionnelle a été adopté en 2013 en vue d’une réconciliation générale. On ne peut tourner la page du passé sans que les victimes de violation de droits humains ou de crimes n’aient obtenu réparation.
D’où la création de l’Instance vérité et dignité qui a été mandatée pour enquêter sur toutes les graves violations des droits humains commises de 1955 à 2013. Elle a reçu plus de 62 000 plaintes et tenu plusieurs audiences publiques.
Cependant, selon le rapport, l’ARP a empêché l’instance d’achever sa mission en refusant de proroger son mandat d’une année supplémentaire.
Droits des femmes
Sur initiative du chef de l’Etat, une commission des libertés individuelles et de l’égalité a été constituée (Colibe). Elle a remis son rapport final le 12 juin 2018. Entre autres recommandations, la Colibe préconise l’égalité successorale. Au grand dam de plusieurs opposants qui estiment que l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage est une atteinte inadmissible aux préceptes coraniques.
Voilà que le 13 août 2018, lors de la célébration de la fête de la Femme, le président de la République s’est dit favorable à l’égalité en matière successorale en précisant que chacun est libre de choisir d’appliquer la tradition islamique ou d’opter pour l’égalité.
En effet, joignant l’acte à la parole, le président de la République a ordonné, quelques mois plus tard, de soumettre au Parlement un projet de loi amendant le Code du statut personnel de façon à éliminer la discrimination envers les femmes dans l’héritage, sauf disposition contraire mentionnée expressément par testament. A ce jour, le débat est encore en cours.