Outre le fait que les retransmissions des plénières ne servent pas toujours la démocratie naissante en Tunisie, la réalisation est bien ennuyeuse. Les activités du Parlement doivent constituer un spectacle. La télévision est ainsi faite aujourd’hui.
Une bonne partie de l’opinion a été choquée par ce qui s’est passé le mercredi 16 janvier 2019 à l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP). Accusations, insultes et même plus : la violence physique pouvait facilement prendre place et les scènes rendaient l’hémicycle –encore une fois- ingouvernable.
Faut-il retransmettre systématiquement les plénières de l’ARP ?
Mais n’a-t-on pas ce 16 janvier, à l’occasion d’une séance plénière consacrée aux votes des articles du projet de loi organique relatif à la création du programme “Amen Social” ainsi que des articles de la loi organique du budget, dépassé les bornes ?
L’occasion pour certains de poser la question suivante : faut-il retransmettre systématiquement les plénières de l’ARP ? Une question qui peut fâcher. Mais qui est sans doute utile au vu de ce qui se déroule souvent dans l’hémicycle et de la pratique télévisuelle.
Il est évident que les députés peuvent être gênés par une non-retransmission systématique des plénières. Dans la mesure où cela les priverait d’une occasion quasi unique de fréquenter le média télévisuel.
La Télévision Tunisienne (TT), la télévision publique, verrait aussi d’un mauvais œil cette non retransmission : elle l’obligerait à repenser sa programmation qui connaît déjà un déficit en matière de contenu : les rediffusions et les programmes d’archives constituent plus de 50% de la grille telle qu’elle est du moins appliquée.
Faire du buzz
Il est aussi évident que les retransmissions systématiques des plénières ne servent pas toujours la jeune démocratie naissante en Tunisie. A l’heure de la communication tous azimuts, les tensions et autres propos déplacés des représentants de la nation, s’ils font le buzz, ils portent une réelle atteinte à l’image de ces derniers.
Des tensions et propos déplacés ne seraient-ils pas, disons en partie, derrière la réelle désaffection d’une bonne partie de l’opinion pour la chose publique ? Le taux d’abstentions notamment à la dernière élection municipale (8 mai 2018) ne le prouve-t-il pas ?
Il faudra également indiquer, à ce niveau, que l’intérêt pour les activités des députés n’est plus celui qui a été au cours des premières années qui ont suivi les événements du 14 janvier 2011. Ne faut-il pas, de ce point de vue, se limiter à retransmettre certaines plénières uniquement : séances consacrées au vote de certains textes, discours de personnalités de premier plan, questions aux membres du gouvernement, vote de confiance… ?
Comme cela se fait dans d’autres pays sur les chaînes publiques généralistes. Car, empressons-nous de le dire, la retransmission systématique des travaux parlementaires ne peut être que le fait d’une chaîne parlementaire. Donc des chaînes dédiées au pouvoir législatif.
Scénarisation des retransmissions
L’expérience montre cependant que la réalisation des plénières laisse beaucoup à désirer. Elle ne diffère en rien de celle pratiquée au temps de la dictature sur Tunisie 7 ou Canal 21. Le mode statique est le maître-mot d’une réalisation on ne peut plus ennuyeuse : les mouvements des caméras semblent ignorer que les images venues des hémicycles ont bien changé. Depuis qu’une certaine scénarisation a pris place dans ce domaine comme dans d’autres.
En clair : les plénières, comme les autres activités parlementaires, doivent constituer un spectacle. La télévision est ainsi faite aujourd’hui. Or, que regardons-nous à la télévision lors des retransmissions ? Pour l’essentiel des plans statiques qui ne prennent pas en compte notamment les feed-backs : ainsi la caméra ne nous montre pas souvent la réaction des personnes auxquelles les parlementaires s’adressent ou visent par leurs déclarations. La réaction est pourtant là : combien de fois entendons-nous les premiers crier ou vociférer?
Impossible de ne pas relever, par ailleurs, que couvrir les plénières ne réside pas dans les seules retransmissions. Il faut jeter un coup d’œil sur les expériences étrangères dans ce domaine pour se rendre compte que la couverture des activités parlementaires se fait à coups d’émissions de débats, d’interviews, de reportages, magazines, de talk-shows,…
Des éclairages nécessaires que les seules retransmissions ne peuvent assurer.