Dix-neuf chefs d’Etat se sont excusés de ne pouvoir assister au Sommet économique de Beyrouth. Ils ont envoyé leurs ministres ou leurs ambassadeurs pour les représenter à ce rendez-vous économique arabe.
A côté du président libanais Michel Aoun, seuls deux chefs d’Etat étaient présents : le président mauritanien et l’Emir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani. Ce dernier n’a pas passé plus d’une heure au Liban. Il est parti avant même de prononcer l’allocution de son pays, laissant le soin de le faire à son ministre des Affaires étrangères. C’est dire l’intérêt que témoignent les chefs d’Etat arabes à ce sommet économique, à un moment où leurs pays sont englués dans les dissensions politiques, les guerres fratricides, le marasme économique et la misère sociale.
De nombreux sujets à traiter en peu de temps !
L’ordre du jour du sommet comportait 29 points sur lesquels le sommet était invité à se pencher et à prendre les décisions appropriées : le développement des relations économiques inter arabes, l’union douanière, l’aide à l’investissement, le travail des jeunes, la question de la femme, l’économie numérique, le marché pétrolier arabe, sans oublier bien sûr la question des réfugiés syriens dont plus d’un million se trouvent au Liban.
De si nombreux sujets à traiter en si peu de temps, et qui plus est en l’absence des chefs d’Etat. Il est peu probable que ce quatrième sommet économique arabe ait plus de résultats que les trois précédents.
Prenons l’exemple du dernier sommet qui s’était tenu en Arabie saoudite en janvier 2013 et où la Tunisie était représentée par une forte délégation conduite par Moncef Marzouki, alors président provisoire de la République. On nous avait assuré alors que « les dirigeants arabes discuteront à cette occasion des moyens à même d’aider les pays du printemps arabe à surmonter cette étape difficile de leur histoire et à favoriser leur relance économique. »
Six ans après, si l’on en juge seulement par l’état de l’économie tunisienne, on ne peut pas dire que le sommet de Ryadh a abouti au moindre résultat concret. Peu de gens se rappellent qu’il y a six ans s’était tenu un sommet économique arabe.
Mais revenons au sommet de Beyrouth. Si l’économie libanaise était dans un état normal et acceptable, le président Aoun, compte tenu de l’absence de 19 de ses pairs arabes, aurait très probablement annulé le sommet, ne serait-ce que par fierté nationale. Mais le Liban passe par des difficultés politiques, économiques et sociales très profondes et souhaite avoir une bouffée d’oxygène à travers ce sommet économique. D’ailleurs bon nombre de citoyens libanais croyaient naïvement que ce sommet était organisé uniquement pour sortir le Liban du marasme.
Retour des réfugiés syriens
Le pays ploie sous une dette de 100 milliards de dollars, sans gouvernement depuis huit mois et souffre d’une crise économique aiguë, aggravée par la présence de plus d’un million de réfugiés syriens. Ce n’est pas un hasard que des nombreux points à l’ordre du jour, le discours du président Michel Aoun s’est focalisé sur deux points : la création d’une banque d’investissement arabe et l’aide au retour des réfugiés syriens chez eux.
Sur ce point précis, le président Aoun a affirmé : « Le Liban appelle la communauté internationale à faire tous les efforts possibles pour garantir des conditions propices au retour des réfugiés syriens dans leur pays, notamment dans les régions stables et accessibles ou dans les zones de désescalade, et sans lier ce retour à une solution politique en Syrie ».
Le message du président libanais est clair. L’économie libanaise est dans un état si désastreux que le pays se trouve dans l’impossibilité de supporter le fardeau des réfugiés syriens jusqu’à l’émergence d’une solution politique en Syrie. Il a d’autant plus raison que, compte tenu du nombre de réfugiés palestiniens et syriens sur son territoire et proportionnellement au nombre de sa population, le Liban compte le plus grand nombre de réfugiés dans le monde.
Reste à savoir si la « Communauté internationale » va répondre favorablement au vœu du président Michel Aoun et l’aider à résoudre ce problème sans attendre la solution politique en Syrie. L’opinion dominante au Liban penche plutôt vers le pessimisme pour une raison simple : le poids des Etats-Unis dans toute décision prise par la « Communauté internationale ».
La plupart des Libanais sont convaincus que les Etats-Unis feront tout pour que le Liban soit maintenu dans sa profonde crise politique, économique et sociale. Pourquoi ? Parce qu’ « ils veulent montrer leur colère face à l’échec du Liban à mater l’influence du Hezbollah ici et en Syrie », comme l’affirme Hilal Khassan, professeur de Sciences politiques à l’American University de Beyrouth.
De là à dire que le boycott du sommet par 19 chefs d’Etat s’explique par les pressions américaines sur leurs alliés arabes, il n’y a qu’un pas que beaucoup de Libanais ont franchi.