L’accès à l’eau constitue un important enjeu pour la Tunisie. Le recyclage est aujourd’hui présenté comme l’une de solutions pour préserver cette ressource naturelle. Pour répondre aux différentes questions qui se posent en matière de recyclage de l’eau, le Forum Ibn Khaldoun a organisé début janvier un débat sur la problématique de la réutilisation de l’eau usée.
Un franc débat a été introduit et animé par Mme Akiça Bahri, professeure à l’Institut National Agronomique de Tunisie, ex-Coordinatrice de la Facilité Africaine de l’eau à la BAD et Directrice Régionale pour l’Afrique à l’Institut International de Gestion de l’Eau.
Les aspects abordés au cours du débat ont concerné l’optimisation des installations existantes, la problématique de la qualité de l’eau et du traitement biologique, les traitements complémentaires et les défis qui se posent au pays en matière de préservation de l’environnement.
75% des eaux usées traitées sont rejetés
D’énormes quantités d’eaux de ruissellement ou d’eaux traitées continuent à être déversées dans la mer privant le pays de ressources appréciables et entrainant souvent de graves nuisances environnementales.
Les utilisations actuelles en Tunisie concernent essentiellement l’irrigation agricole restrictive, celle des espaces verts et des parcours de golf, la recharge des nappes.
Le taux de réutilisation n’est actuellement que de 15-25%, soit 62 millions de m3 affectés aux cultures fourragères (58%), aux arbres fruitiers (15%), aux céréales (12%), aux terrains de golf (10%) et aux cultures industrielles (5%). 75% des eaux usées traitées sont rejetés dans le milieu, rejoignant dans le cycle de l’eau les eaux usées brutes des communes.
La réutilisation, à ce titre, est une nécessité et le rejet des eaux usées traitées devient un gaspillage à éviter. Il s’agit en fait de promouvoir un véritable « marché de l’eau usée » à partir des eaux usées (domestiques et industrielles) grâce à un traitement ad hoc menant non seulement au respect des normes de rejet dans le milieu mais aussi à celles de différentes autres qualités pour différents autres usages allant dans certains cas jusqu’au respect des normes de l’eau potable.
Les utilisations actuelles pourraient cependant s’étendre à l’aquaculture, à l’agroforesterie, au recyclage dans l’industrie, aux services municipaux et potentiellement même jusqu’à la potabilisation.
Les réutilisations possibles des eaux usées sont l’irrigation agricole (32%), l’irrigation des espaces verts (20%), le recyclage industriel (19%), l’environnement et les loisirs (14 %), les utilisations municipales (8%), la recharge des nappes (2%) et les autres usages (5%).
Impact environnemental et économique
Une approche méthodologique à réaliser en cinq étapes a été suggérée pour développer une vision partagée et une stratégie à long terme, déclinée en plans d’action pour le développement et la gestion durable de la réutilisation des eaux usées traitées et guider les investissements futurs nécessaires.
Trois scénarios d’évolution seraient envisageables visant trois filières à savoir la réutilisation environnementale, la réutilisation agricole non restrictive et la réutilisation multi usages.
Ces Scénarios ont été identifiés sur la base de leur impact sur l’environnement, sur le bien-être des populations et sur la rentabilité économique du traitement envisagé.
Certaines mesures d’accompagnement ont été également proposées dans la perspective d’un développement de la filière réutilisation afin de l’intégrer totalement dans la problématique plus générale de « l’économie de l’eau » et dans celle, plus vaste, des flux de ressources et de déchets avec un potentiel de récupération et de réutilisation de l’eau, des nutriments, des matières organiques et de l’énergie.
L’exercice tend à montrer la valeur croissante obtenue liée au traitement des eaux usées et à la récupération aussi bien de l’eau que des nutriments et de l’énergie.
Le pays doit se ressaisir et renouer avec la politique pionnière qui était la sienne lors de l’engagement et de la mise en œuvre des plans directeurs de mobilisation, de traitement et d’exploitation de l’eau.
Une Stratégie 2050 -2100 s’impose
A cet égard, une stratégie à long terme à l’horizon 2050 -2100 doit être impérativement élaborée pour déterminer les besoins en eau des différentes régions du pays. Cette stratégie doit tenir compte tenu du croit démographique et de l’élévation prévisible du niveau de vie et esquisser des schémas de leur couverture prenant en considération en premier lieu la mobilisation de l’eau de pluie, en second lieu le traitement de l’eau usée et en troisième lieu la désalinisation de l’eau saumâtre et de l’eau de mer.
Dans le cadre de cette stratégie une place particulière doit être réservée à la coopération internationale pour tirer profit des expériences des pays pionniers en matière de mobilisation de l’eau tout en développant l’exportation de l’expertise acquise dans ce domaine par la Tunisie.
Une place particulière doit être réservée également à la recherche scientifique en matière d’économie de l’eau et de son traitement.