Après chaque saison d’indicateurs d’activité, nous assistons à une vague de commentaires sur les banques.
La plupart contestent, en quelque sorte, leurs bénéfices records et essaient de faire passer un message plutôt politique destiné à une population qui ne comprend rien aux chiffres et qui regarde ces performances d’un mauvais œil.
La lecture de ces publications trimestrielles est donc loin d’être objective, contribuant à la formation de dogmes difficiles à éradiquer plus tard. En fait, la situation des établissements tunisiens de crédits n’est pas aussi bonne que l’on imagine.
Une fin d’année calme
Durant les dernières années, nous avons pris l’habitude d’assister à des surperformances durant le dernier trimestre. Il s’agit de l’attribution massive de crédits de consolidation, une sorte de formule win-win entre les banques et les entreprises. Ces dernières bénéficient de ressources pour clôturer leurs comptes de fin d’année et les établissements de crédits bénéficient d’intérêts élevés.
Au quatrième trimestre 2018, les banques ont augmenté leurs marges d’intérêt de « seulement » 9,5% à 627,566 millions de dinars contre une hausse de 29,3% à 573,721 MTND durant la même période en 2017. Néanmoins, grâce à la surperformance enregistrée durant les neuf premiers mois de l’année, la marge d’intérêt croît de 23,1% en rythme annuel à 2,199 milliards de dinars, soit le rythme de croissance le plus rapide sur les cinq dernières années.
L’effet positif de la hausse des taux est évident, bien que l’instauration du ratio Crédits/Dépôts ait posé des freins au cours des deux derniers mois.
La Bourse au service des bénéfices
2018 est également une année record pour les revenus des portefeuilles commercial et d’investissement. Grâce à une bonne année boursière et de bons rendements des produits de taux, les banques ont vu ces revenus atteindre 1,173 milliard de dinars. Ce n’est pas rien si nous savons qu’en 2013, ces revenus étaient de 472,452 millions de dinars. Cette rubrique englobe également les gains de change qui se sont nettement améliorés ces dernières années.
Néanmoins, et contrairement à la marge d’intérêt, une décélération de la croissance de ces revenus a été observée en 2018, soit 12,4%. Il s’agit là du rythme le plus faible sur les cinq dernières années.
De plus, ils ont pesé moins dans les PNB annuels, passant de 28,3% en 2017 à 27,2% une année plus tard. C’est une évolution naturelle du moment où le core business d’une banque est l’activité de crédits.
Rationalisation de l’octroi des crédits
L’encours de crédit a atteint 65,420 milliards de dinars fin 2018, en progression de 8,7% par rapport à 2017. Il y a eu également une décélération puisque nous étions sur un rythme de 15,2% en 2017.
En parallèle, le rythme de collecte des dépôts a reculé à 7,9%, atteignant 61,104 milliards de dinars. L’accès réduit aux ressources par les banques a contribué à la baisse d’octroi de crédits.
Le ratio Crédits/Dépôts est à son plus haut sur six ans, dépassant le seuil de 107%. Ce n’est pas un truc très rassurant, car il montre que le secteur doit faire un dégraissage afin de s’aligner avec les exigences du régulateur.
L’énigme des banques publiques
L’autre point important concerne les banques publiques. En dépit de leur situation difficile, elles continuent à doper leurs chiffres.
Côté crédits, les trois banques représentent 37,5% de l’encours des crédits octroyés. En termes de croissance annuelle, elle a été plus rapide que les banques privées et ce, contrairement aux trois dernières années.
En 2018, l’encours des crédits a augmenté de 12,5% à 25,407 milliards de dinars. Les banques privées, qui sont largement mieux capitalisées, n’ont augmenté leurs encours que de 6,5% sur la même période à 40,013 milliards de dinars.
Côté dépôts, la dynamique s’inverse. Les banques privées sont parvenues à accroître leurs encours de dépôts de 9% en 2018 à 40,436 milliards de dinars. Quant aux banques publiques, elles ont seulement réalisé un taux de 5,7% à 20,667 milliards de dinars.
Comment alors ces banques ont-elle trouvé les ressources pour financier toute cette activité ?
Tout simplement, elles ont accordé un maximum de crédits en l’absence de ressources. Il suffit de regarder l’évolution de leur ratio Crédits/Dépôts. Il est passé de 115,5% en 2017 à 122,9% en 2018. Il reste inférieur à l’unité pour les banques privées qui affichent une meilleure santé financière.
In fine, les banques publiques ne sont autres que le bras financier de l’Etat, et donc elles sont amenées à financer le déficit de ses entreprises. Tout le problème ici est que c’est le contribuable qui sera, en fin de compte, appeler à refinancer ces banques.