L’indépendance des médias et la liberté de presse sont des composantes essentielles du processus et de la transition démocratiques. En Tunisie, les médias, publics et privés, ont joué un grand rôle dans les élections.
Toutefois, la plupart des experts s’accordent à dire que le processus transitionnel dans ce secteur peine, depuis 2011, à se mettre en place. Les médias font aujourd’hui face à des difficultés. Elles sont liées à l’indépendance, au professionnalisme et au financement des entreprises médiatiques.
Consolider les fondements de la démocratie
C’est la raison pour laquelle Solidar Tunisie a lancé jeudi le débat sur la régulation des médias. Et ce, lors d’une conférence-débat qui présente deux nouvelles études. Mohamed Fadhel Mahfoudh, ministre délégué chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la Société civile et les Droits de l’Homme et Prix Nobel de la Paix 2015, y était présent.
A cette occasion, il souligne l’importance de l’élection d’un nouveau président à la tête de l’ISIE. Cela représente une étape importante dans la consolidation des fondements de la démocratie en Tunisie, affirme-t-il.
Ainsi, la première étude de Solidar Tunisie porte sur la régulation des médias en Tunisie. La deuxième étude s’intéresse à formuler des recommandations et propositions quant au projet de loi relatif à l’Instance constitutionnelle de régulation de l’audiovisuel qui remplacera l’actuelle Haica.
En effet, l’objectif est d’engager le débat, afin de contribuer à la mise en place d’une instance à même de mener sa mission future. Mission qui doit prendre en considération l’environnement du secteur dans sa globalité.
Réformer le paysage audiovisuel
Par ailleurs, selon des chiffres présentés par Hassen Zargouni, 55% des Tunisiens font aujourd’hui confiance aux médias. Seulement 24% leur font totalement confiance et 20% ne leur font pas de tout confiance. Ces chiffres montrent clairement que le doute s’est installé dans le secteur.
Et l’universitaire Mustapha Ben Letaief estime que la transition démocratique dans le secteur des médias n’est pas encore accomplie. Il considère que le secteur est confronté à des « dérives et des déceptions » qui présentent un frein à la démocratie. « La convergence des médias est aujourd’hui un vrai défi », explique M. Ben Letaief.
Des textes de lois relatifs aux médias contradictoires
Pour Lobna Jeribi, présidente du Think Tank Solidar Tunisie, la régulation des médias est liée à un aspect, à la fois économique et de pluralisme. « Il faut une vision globale et un cadre pour préserver la liberté d’expression et de la presse », souligne -t-elle.
En outre, l’étude sur la régulation des médias en Tunisie rappelle les Décrets-lois 115 et 116 de 2011 relatifs à la liberté de la presse. Elle ne manque pas de mettre l’accent sur les différents projets de lois en cours de préparation et de discussions, sur la régulation du secteur de l’information.
D’ailleurs, ils reflètent un aspect contradictoire : entre d’un côté les textes de lois liés, notamment, à la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme; et de l’autre côté l’accès à l’information.
Ensuite, c’est au tour d’Hichem Snoussi, membre du bureau de la Haica, de s’alarmer. « Certains articles introduits dans des projets de lois en préparation peuvent être dangereux pour le secteur », juge-t-il. Il pointe du doigt l’absence d’une volonté politique de réformer le secteur de l’audiovisuel.
Quant au secteur de la presse écrite et électronique, aucun projet de loi n’a encore été officiellement présenté. Les professionnels ne doivent pas rester les bras croisés.
Pourtant, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), en collaboration avec des experts en la matière, a formulé un nombre de propositions et de réflexions sur l’autorégulation de la presse écrite.
Car le SNJT, œuvre en collaboration avec l’Association des directeurs des journaux, à mettre en place le Conseil de la Presse. Il aura pour objectifs de défendre la liberté d’expression et le secteur contre d’éventuels dépassements.
Assimiler la régulation des médias
Pour l’universitaire Larbi Chouikha, la notion de régulation n’est pas encore assimilée et bien pensée parce qu’elle vient de l’étranger ! « Nous avons du mal à assimiler ce concept. Il faut une pédagogie et un effort de sensibilisation », explique-t-il.
En outre, M. Chouikha regrette l’absence de la volonté politique. Il considère que l’absence de vraies réformes vient du fait de privilégier la norme juridique, en pensant que la réforme va être automatiquement provoquée en élaborant un cadre juridique. Or, cela est totalement faux, selon lui. La norme juridique ne peut venir qu’après un processus de réformes.
« Il faut d’abord insuffler une volonté de réforme à tous les niveaux et introduire une rupture avec le passé », propose Larbi Chouikha. Il souligne qu’il est temps de procéder à un bilan de la Haica qui évolue dans un environnement hostile. Et ce, au niveau de la perception et de l’image auprès des professionnels et des citoyens.
Enfin, pour réformer le secteur, Rachid Khechana, président directeur général de l’Agence Tunis-Afrique-Presse (TAP), évoque l’importance d’appliquer la loi. Mais aussi la transparence du financement des entreprises médiatiques et de la gouvernance, notamment en matière de publicité.