M. Abdoulaye Sy, économiste en chef de la Banque mondiale pour la Tunisie, est intervenu aujourd’hui sur les ondes radiophoniques d’Express FM.
D’après lui, pour résoudre ses problèmes macroéconomiques, la Tunisie a besoin d’être plus productive et plus compétitive.
« Globalement, les infrastructures de la Tunisie sont assez bonnes et ses fondamentaux aussi. Ils sont solides et sont à même de lui permettre d’être plus productive et compétitive. Il suffit de les consolider et de renforcer les indices comme celui du capital humain. Cet indice montre qu’un Tunisien qui naît dans l’état actuel des choses sans réformes de l’éducation ni de la sécurité sociale n’arrivera à atteindre que la moitié de sa productivité potentielle. Ce taux atteint les 88% pour la Corée. Il est nécessaire donc d’améliorer le système d’éducation, de santé et de la protection sociale. »
La Tunisie est-elle compétitive ?
Si M. Abdoulaye Sy reconnait les efforts de la Tunisie et l’amélioration de son ranking dans le Doing business. Il déplore le fait que certains indicateurs restent faibles comme celui traitant du commerce international.
« Le transport et la logistique sont un des talons d’Achille de la Tunisie , le transport interne et sa rapidité et ses coûts doivent s’améliorer. Il s’agit d’un indicateur important pour la compétitivité de la Tunisie« .
Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la compétitivité en Tunisie?
Selon l’économiste en chef de la BM, cela peut passer par les investissements mais il y a aussi des éléments importants qui peuvent apporter de l’impact :
-Rapidité des réformes: »la Tunisie est passée par plusieurs années où il y a eu certes des réformes mais aussi beaucoup de résistance pour les mener en profondeur. Ces réformes ont pris plusieurs années et dans la situation économique actuelle il faut que le tempo soit plus soutenu et plus rapide.
-Le second élément concerne le pilotage et le suivi stratégique : le gouvernement doit suivre l’avancement des réformes ainsi que les résultats qui ont été obtenus ».
La situation du dinar actuelle, un atout ou un inconvénient pour l’attractivité et la compétitivité du site Tunisie?
M. Abdoulaye Sy a affirmé qu’il était très étonné il y a un an et demi quand le dinar commençait à se déprécier d’entendre que des avis contre cette dépréciation.
« C’est important d’avoir ce débat-là sur la place publique et dans le secteur privé il faut voir la dépréciation du dinar comme une opportunité à saisir. Le réajustement du dinar va donner plus d’incitations aux exportations mais surtout dans les industries où le taux des exportations est relativement faible comme l’agriculture, l’agroalimentaire et certaines industries électriques et mécaniques. En un mot ces industries là vont pousser aussi tout le secteur à se poser la question : comment produire plus localement? Et comment acheter nos intrants et nos matières premières au niveau local pour exporter davantage ? Il permettra ainsi à tout le secteur d’ajuster le processus de production et de maximiser tout ce qui est commissionné localement aussi bien des services que des biens. Fondamentalement, il y a des opportunités à saisir au niveau du réajustement. »
De plus, l’économiste en chef de la BM reconnait que la dévaluation du dinar n’est qu’un symptôme.
« C’est comme si on avait un patient malade et qu’on ne surveillait que sa température, il faut analyser les causes ! Pour la Banque mondiale , la Tunisie fait face à un grand problème de compétitivité et productivité. Il faut donc actionner des leviers dans l’économie, améliorer la logistique et les transports, faciliter les procédures administratives de création d’entreprises, faciliter l’entrée des investisseurs et libérer le secteur les énergies. Ces actions vont permettre à l’économie d’être plus compétitive et avoir une monnaie en relation avec ses fondamentaux. »
Il ne faut pas se concentrer uniquement sur la dynamique du dinar
D’après lui, la dévaluation du dinar peut avoir aussi un impact direct sur la cherté de la vie puisque la Tunisie importe beaucoup de biens d’équipements.
« C’est certain que les produits importés vont devenir plus chers, c’est un fait! Mais il ne faut pas seulement regarder les réajustements du dinar, il faut surtout voir les réformes et les investissements nécessaires pour renforcer la compétitivité. Je crains qu’en ne regardant que la dynamique du dinar, on se dise arrêtons sa chute. Mais cela n’est pas aussi simple.
Il faut d’abord que la Tunisie sache bien importer et que ses importations lui coûtent moins cher pour pouvoir améliorer ses exportations. Cela dépend aussi de l’efficacité administrative et logistique du pays pour que les entreprises puissent bénéficier de gains d’efficacité et réduire leurs coûts. »
Enfin, il conclut en disant : »il faut que les procédures administratives , réglementaires et de création d’entreprises soient plus efficaces, et cela dépend aussi de la coordination entre les ministères et au sein du gouvernement. »