Maintenant que la paix sociale est de nouveau instaurée, il faut gérer les conséquences à l’échelle internationale.
Le Gouvernement aura la tâche ardue de convaincre ses partenaires financiers de la viabilité de sa démarche.
Faut-il oublier le ratio de 12% ?
Parmi les engagements de la Tunisie, non seulement vis-à-vis du FMI, mais des marchés financiers, le contrôle de sa masse salariale. Il ne faut pas oublier que nous avons effectué récemment une sortie et ce point était, certainement, inclus dans le plan d’assainissement des finances publiques. Le Gouvernement vise une masse salariale de 12,4% du PIB à l’horizon 2020. Mais avec les nouvelles augmentations, l’équation est devenue quasi-impossible.
Il faut d’abord estimer le coût additionnel que devrait supporter le budget de l’Etat. Pour le faire, nous allons prendre comme référence le rapport sur l’état de la fonction publique en Tunisie.
Le nombre des fonctionnaires s’élève à 690 091 fin 2017. Nous disposons d’une répartition par catégorie qui est d’une grande utilité.
Il suffit maintenant d’appliquer la grille des augmentations et tenir compte des dates effectives de décaissement.
En fait, l’année 2019 n’enregistrera que le décaissement de la première tranche et ce, à partir du mois de mars. Cela impliquerait, selon nos calculs, quelque 715 millions de dinars.
Les calculs sont également très inquiétants pour 2020. Durant cette année, le budget devrait supporter quelque 1,100 milliards de dinars. La formule est simple. Il faut tenir compte des six mois d’augmentations relatives à 2019. C’est un cadeau empoisonné pour l’équipe qui va diriger le pays après les prochaines élections.
Ainsi, il convient d’ajouter ces montants au 16,516 milliards de dinars de salaires programmés en 2019, soit un total de 18,3 milliards de dinars en 2020. Pour atteindre le ratio cible, nous devons atteindre un PIB de 152,7 milliards de dinars, alors qu’il est attendu à 127,201 milliards de dinars en 2020! Il faut que le pays enregistre une croissance à deux chiffres pour qu’il atteigne ce ratio, ce qui est impossible.
Fitch aura son mot à dire
Selon des documents obtenus par L’Economiste Maghrébin, l’agence de notation Fitch est loin d’être satisfaite, même avant l’accord Gouvernement – UGTT. L’agence tablait dans ses rapports sur une hausse « modeste » des salaires, alors que celle accordée est importante.
Nous rappelons ici que l’agence a maintenu, le 11 décembre 2018, la notation souveraine de la Tunisie à « B+ » (ce n’est pas une fierté !) assortie de perspectives « négatives ».
Selon l’agence, le déficit courant va s’élargir en 2019, atteignant 9% du PIB contre 8,9% en 2018. Il s’agit du 4ème plus large déficit de la région MENA après la Libye, le Liban, et la Cisjordanie et Gaza ! Cela est dû au contexte économique de la Zone Euro qui risque de baisser la demande sur les exportations tunisiennes.
Il ne faut pas oublier que les perspectives de la croissance européenne sont loin d’être rassurantes (1.8% en 2019 contre 2.2% en 2018). Personne n’en parle.
La dégradation du dinar devrait rationaliser les importations, mais la forte consommation interne et la probable hausse des prix de l’énergie devraient garder le rythme des importations élevé.
Le graphique ci-après montre l’effet limité de la dégradation du dinar sur la baisse des importations.
Tous ces facteurs vont mettre de la pression sur nos réserves de change. Une combinaison des tensions sur la liquidité, la volatilité des marchés et la faible croissance des pays développés va réduire le flux des IDE vers des pays comme le nôtre.
La Tunisie présente d’autres faiblesses comme les tensions politiques. Le recours à l’endettement extérieur devrait s’intensifier.
Globalement, l’agence table sur une croissance de 2,7% en 2019, grâce à l’amélioration de la demande interne. Le rythme de croissance en 2020 serait seulement de 2,5%. Nous n’allons faire mieux que de l’Algérie dans l’Afrique du Nord.
L’année serait très difficile selon l’agence qui s’attend à une austérité budgétaire. Fitch ne pense pas que la pause fiscale de 2019 allait continuer et que la loi de Finances 2020 serait pleine de mesures fiscales. Cela aura des conséquences immédiates sur la demande interne.
Tous les ingrédients d’une révision à la baisse de la note souveraine sont là. Dans son dernier rapport datant de décembre 2018, l’agence a appuyé sa perspective négative par la persistance des pressions sur la liquidité externe, le besoin grandissant aux financements extérieurs, la faiblesse des réserves de change et l’aggravation du déficit commercial. Si l’on ajoute la hausse des salaires, les choses risquent de se compliquer davantage.