Quand Ben Laden était tué en mai 2011 par l’US Navy et immergé en haute mer, nous avions naïvement pensé qu’un coup dur fut donné au terrorisme ; que la mort du fondateur d’Al Qaida entraînera inéluctablement la mort de son idée ; que la superpuissance américaine a fini par tirer les leçons qui s’imposent de sa longue et amère expérience avec Ben Laden et ses partisans ; qu’après les attaques terrifiantes du 11 septembre contre New York et Washington, l’Amérique ne mobilisera plus, ne financera plus, n’entraînera plus et n’utilisera plus les terroristes comme une composante agressive et violente de sa politique étrangère.
Nous étions naïfs. Nous avons sous-estimé le degré d’obstination de l’establishment de Washington à suivre les politiques d’empoisonnement des relations internationales et de déstabilisation du monde. Nous avons sous-estimé le degré d’indifférence et de léthargie du peuple américain vis-à-vis des désastres que ne cessent de provoquer ses dirigeants depuis des dizaines d’années en Asie, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique. Nous avons enfin sous-estimé le degré de machiavélisme des dirigeants israéliens et leur extraordinaire capacité à mener leurs homologues américains par le bout du nez.
Après l’utilisation d’Al Qaida en Afghanistan dans la décennie 1980 contre l’Union soviétique, les Etats-Unis ont utilisé Daech et Annusra, deux organisations terroristes autrement plus sanguinaires qu’Al Qaida, comme instruments efficaces de la politique américano-israélienne d’affaiblissement du monde arabe et de son maintien dans un état de chaos permanent, comme on l’a vu en Irak, en Syrie et en Libye.
Daech n’aurait jamais pu établir son « califat » dans la ville syrienne de Raqqa et occuper Mossoul, la deuxième ville irakienne, pendant deux ans, sans l’aval de Washington et l’aide militaire, logistique et médicale de Tel-Aviv. Les terroristes daéchiens n’auraient jamais pu mettre la Syrie à feu et à sang et se déplacer sur des centaines de kilomètres dans des espaces découverts, si l’armée américaine avait pour objectif réel la confrontation du terrorisme, comme ne cesse de le crier sur les toits la propagande américaine.
Ce sont les forces syriennes, avec l’aide de la Russie et de l’Iran qui ont terrassé l’hydre terroriste après des années de bataille acharnée. Les Américains n’étaient intervenus à côté des forces kurdes que quand les terroristes de Daech étaient poussés dans leurs derniers retranchements, un réduit de quelques kilomètres carrés dans le nord-est syrien.
Ce qui n’a pas empêché Trump de se poser en président victorieux qui a vaincu les terroristes, s’apprêtant à annoncer au monde « la bonne nouvelle ». Mais ce n’est pas étonnant de la part d’un président hors du coup et probablement sans la moindre idée sur les magouilles sous-terraines relatives au sauvetage de centaines, voire de milliers de terroristes en vue de leur utilisation ailleurs.
En effet, les responsables russes accusent les Etats-Unis d’avoir déplacé des centaines de terroristes en vue de leur éventuelle utilisation dans des opérations de déstabilisation contre leurs deux principaux ennemis : la Russie et l’Iran.
On se rappelle le rôle déterminant joué dans les années 1980 par le Pakistan, en étroite coordination avec Washington et Ryadh, dans la défaite de l’Union soviétique en Afghanistan. Les dirigeants pakistanais avaient fait alors de leur pays la profondeur stratégique des djihadistes afghans et des terroristes d’Al Qaida.
Le 13 février dernier, les Iraniens ont dû se rappeler avec effroi de ce rôle pakistanais dans le conflit afghan. Ce jour là, un attentat-suicide a provoqué la mort de 27 soldats. L’Iran a aussitôt accusé le Pakistan de soutenir le groupe armé responsable de l’attentat terroriste.
Les Iraniens ont des raisons de s’inquiéter. Voilà quarante ans que les Américains cherchaient à renverser leur régime. N’ayant pu le faire pendant tout ce temps, sont-ils en train d’étudier la possibilité de rééditer l’expérience des années 1980 en faisant de nouveau du Pakistan une profondeur stratégique, mais cette fois contre l’Iran ? Une chose est sûre. Les Iraniens n’excluent pas cette possibilité, la preuve est dans la subite montée de tension entre les deux pays voisins.
Dans la réunion anti-iranienne de Varsovie la semaine dernière, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a affirmé qu’ « il n’y aura pas de paix et de stabilité dans le monde tant que le régime iranien est en place ». La vérité est qu’il n’y aura pas de paix et de stabilité dans le monde tant que les dirigeants américains continueront de se faire mener par le bout du nez par les dirigeants israéliens. On n’a pas besoin d’être un analyste politique hors pair pour voir la main d’Israël derrière tous les désastres provoqués par la politique américaine dans le monde arabe et musulman.