Du point de vue théorique, laisser sa monnaie dégringoler est le moyen de rationaliser les importations et de booster les exportations.
Mais en Tunisie, cette politique est loin d’être efficace et commence à toucher à ses limites.
Défendre la devise ou payer sa dette ?
Depuis la révolution, le dinar a laissé des plumes. Réellement, c’est une tendance naturelle étant donnée les faibles performances économiques du pays. Nos entrées en devises restent insuffisantes par rapport à ce que nous importons et même par rapport à notre dette en devise.
Les exportations de l’année 2018 ont atteint 40,986 milliards de dinars, alors que le dernier chiffre officiel de la dette publique extérieure (septembre 2018) affiche 54,609 milliards de dinars. C’est un indicateur très important largement observé par les spécialistes, mais il est aux oubliettes ici.
De plus, la Banque centrale de Tunisie a d’autres chats à fouetter et doit, en premier, honorer à ses engagements vis-à-vis des partenaires étrangers. Elle ne va pas dépenser ses réserves pour booster la valeur du dinar pour quelques jours. Elle réserve ses interventions pour les moments les plus opportuns. Ce qui est sûr, c’est que rien ne montre que notre devise va regagner du terrain en 2019.
Nos partenaires ne se portent pas bien
Les exportations ne se portent pas aussi bien que nous le pensons. Il y a un problème de demande dans les pays européens qui ne sont pas dans une bonne phase du cycle économique. Cela n’est pas encore visible dans les chiffres du mois de janvier, mais la tendance pour le reste de l’année est à suivre de près. De plus, les chiffres publiés sont à prix courants.
L’indice de l’Institut économique de Munich, qui mesure le climat économique en Europe, est passé récemment en territoire négatif pour la première fois depuis 2014. Le contexte global n’est pas bon chez nos principaux partenaires. En Italie, la situation s’assombrit et ses perspectives sont les plus mauvaises de la Zone Euro. D’ailleurs, le pays est entré effectivement dans la récession. La France souffre de ses gilets jaunes qui sont devenus un vrai casse-tête.
L’Allemagne reste une exception, mais son rythme de croissance a décéléré. Les économistes, qui tablaient sur une inflation de 1,7 % pour 2019, se montrent de plus en plus pessimistes sur trois points : les investissements, les exportations et la consommation privée. Ce dernier point nous touche directement. Les difficultés des industries exportatrices sont claires dans l’indice de la production industrielle (IPI) publié le vendredi dernier. Au cours du quatrième trimestre de l’année 2018, l’IPI a enregistré une baisse de 0,5%. Il est vrai que les difficultés liées au bassin minier ont eu leur effet, mais même l’indice hors énergie a reculé de 0,2%.
En deçà des attentes pour les sociétés de la cote
Sur les 82 sociétés cotées, 33 réalisent des chiffres d’affaires en devises. Ici, nous avons exclu Tunisair car elle ne distingue pas entre ses revenus en dinars et en autres devises. Ce groupe représentatif a affiché des exportations de 1,102 milliards de dinars au cours de 2018, soit une hausse de 4,5% seulement par rapport à 2017. Les attentes étaient certainement plus importantes dans une année où le dinar a baissé à deux chiffres face à l’euro et au dollar.
Le problème est que nous importons toujours beaucoup de produits semi-finis et de la matière première utilisés dans les produits que nous exportons. C’est le cas par exemple des fils et tissus de fibres synthétiques utilisés par le secteur du textile. La baisse du dinar devrait, normalement, créer des opportunités d’investissement dans les produits et services importés et qui sont devenus chers. Mais l’environnement est tellement peu propice à l’investissement que les hommes d’affaires tunisiens n’y pensent même pas. Cela sans oublier le manque d’infrastructures efficaces pour soutenir l’export et la concurrence de la part d’autres pays, comme la Turquie, qui restent plus compétitifs que nous.
Quelle est donc la valeur optimale pour le dinar tunisien? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre car ce qui est bon pour les finances publiques ne l’est pas nécessairement pour les opérateurs privés.
Ce n’est pas « depuis la révolution », si vous regardez l’évolution du taux de change, la chute du dinar démarre dès 2003 et décroît à rythme relativement stable en tendance jusqu’en 2016. Depuis 2016 la chute s’accélère.
Donc il faut de penser que la révolution en est la cause.