Audition en ce moment du Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Marouane El Abassi à l’ARP.
Le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a rappelé les principaux indicateurs économiques. Il a évoqué les raisons de la décision de la BCT d’augmenter son taux directeur. « L’inflation est le premier ennemi de l’économie. Une réaction retardée aurait eu de graves conséquences », déclare Marouan El Abassi.
Et d’ajouter que la décision prise par le Conseil d’administration de la BCT d’augmenter son taux d’intérêt directeur était très difficile. « On a évité une inflation à deux chiffres. On aurait dû augmenter le taux directeur de la BCT plus de 100 point de base ! La hausse de l’inflation sous-jacente, qui atteint 8,6%, a contribué à la hausse de l’inflation. C’est pourquoi, il fallait anticiper la hausse de l’inflation », explique le gouverneur de la BCT qui prévoit une baisse de l’inflation d’ici fin 2019.
Désindustrialisation du pays!
Le gouverneur de la BCT n’a pas manqué d’évoquer les raisons de la détérioration de la situation économique dans le pays. La désindustrialisation du pays et la hausse des importations ont nettement contribué à l’augmentation de l’inflation importée.
Sur un autre plan, la baisse de la production de phosphate, de 8 millions de tonnes en 2010 à environ 3 millions de tonnes actuellement, a contribué à l’élargissement du déficit de la balance commerciale du pays qui connaît une détérioration structurelle. Le grand écart entre l’investissement et l’épargne a bloqué la création de richesse et a obligé le pays à recourir à l’endettement extérieur.
S’agissant du marché des changes et les réserves en devises, malgré la relance du secteur touristique, les recettes touristiques ne dépassent pas une valeur d’un milliard d’euros, un niveau très en deçà du niveau de 2010. Selon le gouverneur de la BCT, les touristes libyens et algériens dépensent en dinar tunisien, ce qui n’a pas un grand impact sur les recettes touristiques en devises.
La baisse de la valeur du dinar tunisien a engendré la hausse du déficit courant et le service de la dette et la détérioration du dinar tunisien. « La dépréciation a commencé à s’aggraver depuis 2015 – 2016 avec la crise du secteur touristique après les attentats terroristes du musée du Bardo et celui de Sousse », rappelle M. El Abassi. Cela explique aussi, selon Marouan El Abassi, la dégradation de note souveraine de la Tunisie par les agences de notation.
« Comment défendre le dinar avec la baisse de nos réserves en devises ! Les choix qu’avait la BCT pour défendre le dinar tunisien étaient confrontés à la baisse des réserves en devises (84 jours d’importation). La BCT n’est pas responsable la dévaluation du dinar », s’interroge le gouverneur de la BCT.
Le gouverneur de la Banque centrale a tenu à souligner que la politique de la BCT a permis de garder le cap. Et d’ajouter que la régularisation de change a pour objectif d’attirer les devises qui circulent hors circuit bancaire et encourager les Tunisiens à l’étranger à placer leur argent dans les banques.
« Les Tunisiens à l’étranger contribuent efficacement dans l’alimentation des réserves en devises », assure Marouane El Abassi. Et d’ajouter que la détérioration de la notation souveraine de la Tunisie est le résultat aussi de la détérioration de la situation économique et l’absence des réformes les plus importantes qui n’ont pas été mises en place.
Pour le gouverneur de la BCT, la sortie sur les marchés internationaux devient de plus en plus difficile et coûtera plus cher qu’avant. La situation économique difficile a été aussi marquée par un problème de liquidité. Le Tunibor a atteint presque 9.3%. Le Tunibor est le taux d’intérêt moyen indicatif auquel les banques actives sur le marché monétaire en dinar sont disposées à se prêter des liquidités à blanc, sans garanties.
Faible intégration financière
La crise économique est aussi liée au faible taux de bancarisation des ménages et des secteurs productifs. Par exemple, le taux de bancarisation des agriculteurs ne dépasse pas les 7%. Une étude qui a concerné les ménages et les TPE montre que 61% ont des comptes en majorité cash-out, 9% ont des opérations financières et le reste sont dans l’informel.
« Notre économie n’est pas productive. Il faut des politiques économiques qui encouragent la production et la consommation des produits tunisiens », recommande M. El Abassi.
Rappelant le plan de la BCT 2019-2021 qui englobe environ 60 projets, Marouane El Abassi a fait savoir que la création d’une « fenêtre de 6 mois » par la BCT pour les crédits sur dépôts a encouragé l’investissement. « Des négociations sont en cours avec le gouvernement pour encourager davantage l’investissement », a-t-il annoncé.
Actuellement, sous la loupe de la BCT, les banques publiques rencontrent des difficultés avec les entreprises publiques qui se trouvent en manque d’épargne.
S’agissant de la relation de la Tunisie avec le FMI, le gouverneur de la BCT a déclaré que la décision du FMI est cruciale dans le financement du déficit budgétaire (environ 10 milliards de dinars).