Pour bon nombre d’économies dans le monde, le secteur industriel constitue un pilier sans lequel il serait impossible de prospérer. Son essor contribue à celui de ces économies, et ses répercussions négatives ne tardent jamais à se faire sentir.
C’est notamment le cas de la région de Gabès qui paye le prix fort d’une industrie mal pensée et polluante. Conséquence : des rejets gazeux, solides et liquides dont le coût considérable touche plusieurs secteurs importants, à savoir le tourisme, la pêche et l’agriculture.
Dans l’objectif d’évaluer l’impact de cette pollution, une étude a été réalisée dans le cadre du Programme d’appui à la Gouvernance Environnementale de Gabès (PGE-Gabès), projet financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France, agence publique de la coopération technique internationale française.
Gabès: des pertes considérables!
Le rapport d’expertise est sans appel, la pollution dans la région de Gabès inscrit des pertes considérables aussi bien matérielles que sanitaires.
Selon les données de cette étude, la pollution industrielle se traduit par une baisse de la productivité de l’agriculture et la pêche et par l’abandon de certaines parcelles par les agriculteurs.
Pour le tourisme, le taux d’occupation des hôtels stagne à un niveau largement inférieur aux régions touristiques alentour, et ce, malgré un potentiel certain pour le tourisme balnéaire et saharien.
Le Golfe de Gabès possède en effet l’unique oasis maritime de la Méditerranée, qui constitue une réserve de biodiversité marine, richesse malheureusement laissée à l’abandon.
Dégradation de l’environnement: un coût annuel de 76MD
Ainsi, le rapport estime le coût annuel de dégradation de l’environnement (CDE) à 76 millions de dinars, pour la seule année 2015. Ce coût représente 27% de la valeur ajoutée de toutes les unités de production du GCT à Gabès et ailleurs.
Plus d’un secteur est touché dont la pêche qui subit à elle seule 47 % des pertes, soit 35 millions de dinars par an. Viennent ensuite le tourisme avec 25 millions de dinars (33 %) et l’agriculture avec 5 millions de dinars (7 %).
S’ajoute à ces coûts, celui du système de santé, estimé à près de 10 millions de dinars par an (13 %).
Le phosphogypse issu de la transformation du phosphate du Groupe chimique tunisien, et principal responsable de cette pollution, est rejeté en mer à raison de 4 millions de tonnes par an.
Le rapport montre également que plus de 95% de la pollution atmosphérique provient des usines du GCT (Medhioub-2003).
Seulement la pollution industrielle n’est pas la seule responsable de la baisse des niveaux de productivité des activités économiques. Il est nécessaire de mieux connaître et suivre les effets de la surpêche, de l’urbanisation des oasis et des autres sources de pollution.
Il est néanmoins possible d’agir en faveur de cette région. En effet, la mise en œuvre de la décision de délocalisation des unités polluantes de leur site actuel vers un autre site loin de la mer (comprenant la restauration des sites pollués), permettrait d’éviter un coût de dégradation de l’environnement cumulé d’environ 1000 millions de dinars sur la période 2016-2030.
Rompre avec un modèle économique obsolète, s’orienter vers un modèle de développement plus durable, et opter pour des mesures de dédommagement et de compensation environnementales et sociales, est sans le moindre doute le meilleur des investissements pour la région.