Plusieurs sociétés de la Cote de la Bourse de Tunis viennent de lancer des appels à candidature pour l’élection d’administrateurs indépendants et/ou représentants des actionnaires minoritaires.
Pour les non habitués au marché actions tunisien, c’est un signe de bonne gouvernance. Néanmoins, ce n’est pas toujours le cas.
L’utilité des indépendants
L’idée d’injecter une dose d’indépendance au sein des organes de gestion repose sur le fait que les administrateurs-dirigeants exercent une influence sur les décisions du conseil d’une entreprise et pèsent sur ses délibérations. Rien n’assure donc que le conseil soit bien informé et qu’il puisse exercer, efficacement, sa fonction de contrôle. Les administrateurs externes sont supposés utiliser leur expérience afin de contrecarrer les tendances des dirigeants à prendre des décisions dans leur intérêt personnel et à l’encontre de ceux des actionnaires.
Bien évidemment, ces notions sont loin de plaire aux entreprises tunisiennes qui sont des entités familiales par excellence. Si elles font appel public à l’épargne, c’est par nécessité de lever des fonds ou pour profiter des avantages fiscaux.
D’ailleurs, il suffit de voir le flottant des sociétés de la Place pour s’apercevoir qu’elles se contentent du minimum syndical pour être admises. A l’exception de quelques sociétés, les autres tentent de minimiser l’information diffusée au marché, surtout si elles opèrent dans un secteur concurrentiel. Ouvrir le conseil d’administration à des « étrangers » n’est pas une bonne affaire.
Les établissements de crédits et les loueurs sont partiellement épargnés de ce problème. Tout administrateur doit être validé par le régulateur. Ce dernier n’accepte que des personnes hautement qualifiées et qui ont l’expérience nécessaire dans l’industrie financière. Ainsi, les candidats sont moins nombreux et sont des hommes de l’industrie.
Mais pour les secteurs non réglementés, le management doit faire face aux minoritaires. L’idéal est donc de placer des personnes, qui remplissent les conditions d’un minoritaire mais qui sont, en réalité, proches du management. Parfois, nous constatons que l’élu n’est autre qu’un cadre supérieur d’une filiale du groupe ou d’une entité appartenant à l’un des actionnaires majoritaires.
Stratégies électorales
Pour faire passer l’élu, certains actionnaires majoritaires prennent parti au vote. Cette pratique était courante au cours des premières années de l’instauration de l’obligation d’ouvrir son conseil. D’autres utilisent une autre tactique. Ils demandent à plusieurs intermédiaires de voter au profit d’un candidat particulier en utilisant des procurations sur les comptes gérés. C’est une force de frappe importante et qui peut orienter les résultats vers la personne pré-choisie. Tout est donc permis pour que le conseil d’administration ne soit pas perturbé par la présence d’un externe. Néanmoins, nous devons souligner que plusieurs entreprises ont accepté les règles du jeu et ont permis des élections réservées exclusivement aux minoritaires.
Ce qui manque réellement sur la Place de Tunis, c’est la vraie communication entre l’entreprise et ses actionnaires minoritaires. Les échanges boursiers sont largement dominés par ces derniers. Sur les deux premiers mois de 2019, ils ont assuré 59% du volume des achats et 58% de celui des ventes. Il convient donc de leur donner plus de marge pour pouvoir participer à la prise de décisions au sein de ces entreprises.
Il est vrai qu’un ou deux sièges parmi une douzaine restent incapables de renverser la tendance. Toutefois, cela permettrait à l’information de circuler plus rapidement entre les investisseurs. Les échos des réunions d’un conseil d’administration seraient immédiatement reflétés dans les cours. Combien de fois le prix de l’action d’une entreprise part à la hausse, ou à la baisse, sans trouver d’explication ? Mais l’efficacité reste toujours partielle car l’accès à l’information est relativement privé. Elle est partagée via des groupes privés sur les réseaux sociaux. La faute incombe alors aux entreprises qui communiquent peu sur l’activité de leurs organes de gestion.
Loin donc de nommer des indépendants, juste pour la forme, il faut veiller à la transparence qui reste la pierre angulaire d’une bonne gouvernance.