Quels sont les atouts de l’huile d’olive tunisienne ? Comment devrait-elle se positionner sur les marchés internationaux ? Quels sont les enjeux pour ce produit phare de l’économie tunisienne ? Comment développer ses avantages comparatifs ? Quelles sont les lacunes à combler ?
La filière de l’huile d’olive demeure un facteur clé dans l’économie tunisienne. L’évolution de la balance commerciale en 2018 a, surtout, porté la marque de l’atténuation du déficit de la balance alimentaire qui s’est contracté de 854 MDT par rapport à l’année 2017 pour revenir à -501 MDT grâce à la forte expansion des exportations d’huile d’olive.
Toutefois, à fin février 2019, les ventes de l’huile d’olive ont diminué de 47% par rapport aux deux premiers mois de 2018 (288,6MD contre 544,8MD). Selon les chiffres de la Banque centrale de Tunisie (BCT), les exportations d’huile d’olive relatives à la campagne 2018-2019 devraient atteindre 170 mille tonnes pour une valeur entre 1600 MDT et 1800 MDT, contre 215 mille tonnes et 2146 MDT au cours de la campagne précédente.
Ce repli, par rapport à la campagne 2017-2018, est dû principalement à la baisse de la production d’huile d’olive de plus de la moitié, soit 140 mille tonnes contre 325 mille tonnes et à la baisse du prix de l’huile d’olive sur les marchés internationaux.
Une base solide, mais…
Selon une note de réflexion stratégique et opérationnelle pour le secteur oléicole tunisien, menée par la FAO – BERD, l’avenir indique que ce secteur dispose d’une base solide pour augmenter sa valeur ajoutée. Mais la note mentionne aussi qu’un certain nombre de facteurs pourraient, s’ils ne sont pas pris en compte, affecter négativement la production et la commercialisation de l’huile d’olive tunisienne.
Malgré l’amélioration de la qualité et les restructurations réussies dans le domaine ainsi qu’au savoir-faire et à l’expérience des professionnels du métier, un effort doit être consenti au niveau, notamment, de la labellisation.
Conscients de ces enjeux, les professionnels de la filière œuvrent actuellement à améliorer la compétitivité et renforcer la reconnaissance de l’huile d’olive tunisienne pour développer une demande fiable et rémunératrice.
C’est dans ce cadre que la Chambre syndicale nationale des exportateurs de l’huile d’olive, connue aussi sous l’appellation « Ezzayeta », a organisé aujourd’hui au siège de la centrale patronale, un workshop sur les perspectives et stratégies de la promotion internationale des labels tunisiens d’huile d’olive.
« La Tunisie demeure capable de réaliser de bien meilleurs résultats et de se positionner durablement comme 2ème producteur mondial d’huile d’olive », a tenu à souligner le président d’Azzayeta Chiheb Slama.
Défis et enjeux
En effet, les grands défis pour les professionnels de la filière sont la promotion internationale et la valorisation des produits tunisiens. Pour Chiheb Slama, ces défis qui s’ajoutent aux problématiques liées au financement et à la gouvernance, nécessitent la révision des législations, la simplification des procédures de contrôle technique à travers l’instauration de l’autocontrôle et du contrôle après l’exportation.
Il nécessite aussi le soutien direct de l’exportation de l’huile d’olive conditionnée, le suivi des circuits de distribution à l’étranger et la promotion de cette denrée sur les marchés extérieurs, afin d’en faire une belle vitrine de la Tunisie à l’étranger.
Pour plus de valorisation et de notoriété
Chiheb Slama a rappelé les axes de la stratégie nationale pour le développement de l’exportation d’huile d’olive conditionnée. Pour plus de valorisation et de notoriété, cette stratégie est axée sur la diversification des destinations, l’augmentation des montants de la promotion, l’encouragement et l’accompagnement des jeunes exportateurs et producteurs, le développement des produits labellisés, le regroupement des exportateurs tunisiens (consortiums). Chiheb Slama a, par ailleurs, appelé l’ouverture totale de l’huile d’olive tunisienne conditionnée vers l’Union européenne.
Évoquant les perspectives d’exportation de l’huile d’olive tunisienne, Chokri Bayoudh- PDG de l’Office National de l’Huile (ONH) – a souligné que l’instabilité des campagnes durant ces sept dernières années nécessite d’autres mécanismes pour relancer l’exportation de l’huile d’olive conditionnée. « Il y a un grand potentiel dans d’autres pays. La Tunisie n’a pas encore réussi potentiellement à pénétrer les marchés japonais et chinois. Les mécanismes mis en place il y a dix ans ne sont plus efficaces », a fait savoir Chokri Bayoudh.
Kamel Ben Ammar, directeur de normalisation à l’ONH a, pour sa part, mis l’accent sur le renforcement de la notoriété des labels tunisiens d’huile d’olive à travers les participations aux concours internationaux les plus médiatisés et organisés en marge des différents salons internationaux (Mario Salinas, SIAL Canada, BIOl, Olive Japan…).
Label Qualité de l’huile d’olive tunisienne : une avancée
Narjes Mhajbi, ingénieure responsable des laboratoires physico-chimiques au Centre technique de l’Agroalimentaire (CTAA), et ayant piloté l’élaboration du cahier des charges du label huile d’olive a annoncé la mise en place en 2020 du Label Qualité de l’huile d’olive tunisienne. Après des études scientifiques approfondies sur l’huile d’olive tunisienne, ce cahier des charges est validé, testé et confirmé auprès de quelques entreprises. Ce cahier des charges servira notamment à la validation de la teneur en phénols totaux et en Alpha-tocophérols et de la stabilité de tous les critères physicochimiques et de composition.
Le secteur oléicole tunisien en chiffres
La Tunisie possède des ressources estimées à plus de 86 millions de pieds d’oliviers. En effet, plus de 30% de ses terres cultivables sont consacrées à l’oléiculture (1,8 million d’ha) avec une production moyenne d’huile d’olive estimée à 190 mille tonnes, durant ces cinq dernières années.
La culture des olives représente environ 15% de la valeur totale de la production agricole et 12 % des investissements dans le secteur agroalimentaire. Le commerce international d’huile d’olive représente 43% des exportations agricoles totales et 10% des exportations globales, faisant de ce dernier la cinquième source de revenus en devises étrangères pour le pays.
Le pays compte actuellement plus de 1700 huileries avec une capacité de production journalière s’élevant à 40 mille tonnes (entre 8000 et 20000 emplois), cinq raffineries générant 1000 emplois et 15 usines d’extraction d’huile de grignons d’olive (1000 emplois) ainsi que 60 usines de conditionnement d’huile d’olive (environ 2000 emplois).
Le secteur regroupe 200 sociétés exportatrices agréées dont plus de 50 opérant dans le domaine du conditionnement et détenant plus de 60 marques déposées. La quantité d’huile d’olive exportée représente environ 70 % de la production nationale avec une moyenne de 142 mille tonnes exportées lors des cinq dernières années. Néanmoins, les exportations d’huile d’olive conditionnée ne représentent qu’une moyenne de 17 mille tonnes, durant cette même période, et ce, malgré une évolution moyenne qui est de l’ordre de 11,5 % par an.
Durant la campagne 2017-2018, la quantité exportée d’huile d’olive a atteint 234 933 tonnes, ce qui représente 72 % des quantités produites (325 mille tonnes). Quant aux quantités exportées d’huile d’olive conditionnée, elles sont passées de 16 500 tonnes en 2013-2014 à 18 456 tonnes en 2017-2018. Les principaux marchés à l’export du conditionnée ont été le Canada (27%), la France (24%), les Etats-Unis (13%) et les pays du Golfe (15%).