La dissuasion, le message et le coût, vous avez dit état d’alerte ? Et pourtant il devrait exister, et tout le monde est supposé en voir les signes extérieurs. Que nenni, j’ai beau cherché l’état d’urgence, rien à faire ; aucune manifestation visible, et je ne sais pas si c’est une force, une prouesse, ou tout simplement une faiblesse. Bien sûr que l’armée, les forces de sécurité, les forces de l’ordre veillent au grain, et une occasion pour leur rendre hommage.
Et pourtant, on continue à se poser la question de savoir si, il faut oui ou non lever un état d’urgence difficilement identifiable. Et à chaque fois, c’est pratiquement le même scénario : un camp pour et un autre contre.
A l’heure où la question suscite les faveurs des uns et les appréhensions des autres, je me contenterais de poser la question suivante : est-ce que les raisons qui ont motivé l’instauration de l’état d’urgence ne sont plus valables aujourd’hui ?
Le président de la République, quant à lui, a préféré renvoyer l’affaire devant l’Assemblée du peuple. Et puis, il faut bien le dire : qu’est-ce qui a vraiment changé dans la guerre contre une corruption qui a battu tous les records ? Qu’est-ce qui a vraiment changé dans la guerre contre le terrorisme ?
On ne peut pas dire que dans les deux cas, le gouvernement joue franc jeu, même la position du chef de l’Etat a pris une autre tournure. Corruption et terrorisme, les liaisons infernales.
Tenez, lever l’état d’urgence serait une excellente affaire pour les tenants du dogme revisité en mal d’endoctrinement et de recrutement qui ont investi les lieux de culte.
Ces derniers ne vont pas se priver de nager dans les eaux troubles du terrorisme comme un poisson dans l’eau. Et en aucune façon on ne peut prétendre que les mosquées du pays aient été complètement expurgées de la gangrène wahhabite takfiriste. Quoi qu’en dise le ministre des Affaires religieuses, Ahmed Adhoum, dont on ne peut ignorer les sympathies.
Qu’une Oriana Fallaci, célèbre journaliste italienne décédée, qui a rencontré les plus grands, dont Yasser Arafat, et est connue pour être ouvertement raciste, écrive dans son livre pamphlet, et résolument anti-arabe et anti-musulman, «La rage et l’orgueil » consacré aux dérives du phénomène migratoire, que « les mosquées grouillent jusqu’à la nausée de terroristes ou d’aspirants-terroristes », elle n’a pas totalement tort, même s’il faut se garder de généraliser. L’invulnérabilité étant une utopie, peut-on dire ici.
A ce stade, peut-on réellement affirmer que la situation sécuritaire est suffisamment maîtrisée pour prétendre qu’un maintien de l’état d’urgence n’a plus sa raison d’être, alors que le terrorisme ne s’est jamais aussi bien porté même acculé et poussé dans ses derniers retranchements ?
On peut voir la main des différents opérateurs économiques qui poussent dans ce sens pour rassurer et bien montrer que le pays mérite qu’on lui fasse confiance. Comme du reste certains droits-de-l’hommistes dont les accointances avec l’islam politique ne sont un secret pour personne.
Et puis, les motivations, aussi légitimes soient-elles, ne doivent en aucune façon masquer le fait que le pays est toujours vulnérable et que le frisson d’un possible attentat terroriste de trop qui pourrait tout ruiner est partout palpable.
Pur hasard, la question du maintien ou de la levée de l’état d’urgence intervient alors qu’un scandale vient d’éclater dans un secteur de la santé en état de décomposition avancée, et qui, lui-même, a bien besoin que l’on instaure à son propos l’état d’urgence ; et aucun secteur n’y échappe du reste.
Comme quoi, il n’y a pas que la dimension sécuritaire qui devrait nous interpeller, surtout quand les fondements mêmes de l’Etat sont menacés. C’est dire combien il y a état d’urgence en la demeure, et à tous les niveaux. Sûreté, sécurité et bonne gouvernance, même combat.
Face à tous ceux qui ont en charge la gestion de la santé dans le pays, le chef du gouvernement Youssef Chahed a été on ne peut plus clair : les défaillances criardes, une question de bonne gouvernance avant tout. Après que le pays eut usé pas moins de huit ministres de la Santé en huit ans à raison d’un ministre de la santé tous les ans, il était vraiment temps !