S’agit-il d’une attaque des droits d’expression et de la presse? Voilà que le juge d’instruction interdit la diffusion de l’émission des « 4 vérités » d’hier soir, consacrée au dossier de la maternité de La Rabta ainsi que la rediffusion de l’émission de Moez Ben Gharbia sur Carthage+.
Selon le juge d’instruction, le contenu entrave le bon déroulement des enquêtes. Pour sa part, Moez Ben Gharbia a souligné sur les ondes radiophoniques que le juge d’instruction parle d’une interdiction et non de rediffusion. « Cela dit, nous ne sommes jamais intervenus quant à la confidentialité des enquêtes, elle n’a jamais été remise en cause. Mais l’émission n’a fait qu’aborder l’aspect social et politique de l’affaire », réplique-t-il.
Dans un pays en transition démocratique, jusqu’à quel point la justice peut-elle être utilisée pour contrecarrer la liberté d’information ? Le point de vue d’Abdelkarim Hizaoui, président du centre de développement des médias (MDC), rappelle que la censure préalable de toutes les œuvres intellectuelles est interdite par l’article 31 de la Constitution.
Il précise dans ce contexte: « Il s’agit de la censure avant publication. Il est important de revoir les cas prévus par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
Que dit l’article 19?
1.Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
- Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
- L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
- a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;
- b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique.
Il ajoute: » Je pense que le magistrat ayant pris cette décision ne s’est pas basé sur le Code de la presse ou le décret-loi 115″.
« La Haica devrait être la seule partie à se prononcer »
Et de poursuivre: « Nous sommes face à une affaire qui se trouve entre les mains de la justice. Et dans un cas de figure où des limitations sont appliquées à la liberté de la presse. »
Selon M. Hizaoui, le texte qui devrait être utilisé est celui de l’article 61 du décret-loi 115. Il précise entre autres: « La Haica devrait être la partie habilitée à se prononcer sur cette affaire. C’est à elle que revient la décision de la rediffusion ou non d’une émission d’investigation ».
Il ajoute: » Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une affaire criminelle et notre souci à tous est de ne pas influencer les décisions judiciaires, mais cela ne doit pas aboutir à une censure préalable de la liberté de la presse ».
Autrement dit, trouver le point équilibre entre d’un côté informer et de l’autre garantir un traitement judiciaire impartial non soumis à une quelconques influence.
Un constat revient néanmoins comme un leitmotiv : la liberté d’expression est-elle menacée?
A cette interrogation, il a répondu: « Je ne pense pas. Je pense que si ce cas se répète, je pense qu’il faut absolument rejeter cette intervention judiciaire et rappeler que les médias respectent l’indépendance de la justice et cela devrait être réciproque. Tout comme,il ne faut pas que la justice s’approprie l’exclusivité du traitement d’une affaire publique et le fasse d’une manière opaque loin des regards ».
Par ailleurs, Le président de la Haica, Nouri Lajmi, s’est exprimé sur le sujet pour dire que les infractions commises par les supports médiatiques sont du ressort de la Haica tout en ajoutant que la Constitution le précise à propos de la censure préalable à la diffusion du contenu médiatique. Il souligne dans une déclaration aux médias: « Nous appelons à réviser la décision de la justice car elle porte atteinte à la liberté d’expression et de la presse. Une décision pareille fait le lit au retour des anciennes pratiques. »
Par ailleurs, la ministre de la Santé par intérim, Sonia Becheikh a procédé à plusieurs changements à la tête de certains établissements du secteur de la Santé.
Il a été décidé de limoger la directrice générale de la Santé, la directrice générale du Centre de maternité et de néonatologie de Tunis, Nabiha Borsali , Hayet Thabet et Senda Bahri, directrice générale du Laboratoire nationale du contrôle des médicaments. Comme elle a décidé de nouvelles nominations à la tête de plusieurs services.