L’indépendance tunisienne fut le couronnement de la lutte nationale, dirigée par Habib Bourguiba et en application de sa stratégie et de son paradigme : mobilisation du peuple, politique des étapes, fidélité à l’objectif et vision d’avenir.
Suite à la reconnaissance de l’autonomie interne de la Tunisie, concédée par Pierre Mendès France, le 31 juillet 1954, des négociations ont été engagées. « L’autonomie interne de l’État tunisien est recouvrée et proclamée sans arrière-pensée par le gouvernement français ». Les négociations mettent à rude épreuve la délégation tunisienne, dirigée par Tahar Ben Ammar, choisi par Habib Bourguiba, comme Premier ministre. Signées le 3 juin 1955, les conventions franco-tunisiennes prévoient le transfert progressif au gouvernement tunisien de toutes les compétences, à l’exception de celles des Affaires étrangères et de la Défense. On a souvent critiqué Bourguiba, pour son accord avec Mendès France, pour l’autonomie interne. Bourguiba estimait que c’était un pas en avant. Salah Ben Youssef, son rival, parlait de deux pas en arrière. Habib Bourguiba explique ainsi, son pragmatisme et son réalisme : « Je suis réaliste. Etre réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre. » Il rejoint le postulat de René Char : ‘ »L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. »
Protocole d’accord de l’indépendance : dans le cadre de sa politique « graduelle », le leader Habib Bourguiba revient à la charge et exige l’ouverture des pourparlers, pour transgresser l’étape de l’autonomie. Tahar Ben Ammar, confirmé par Habib Bourguiba comme Premier ministre, dirige les nouvelles négociations, avec la caution, bien entendu d’Habib Bourguiba. Bahi Ladgham et Mongi Slim faisaient partie de la délégation tunisienne. Christian Pineau a signé le protocole, au nom de la France. Couronnant les négociations franco-tunisiennes, l’indépendance fut proclamée le 20 mars 1956. La France reconnaît solennellement l’indépendance de la Tunisie. Il en découle :
a) Que le Traité conclu entre la France et la Tunisie, le 12 mai 1881, ne peut plus régir les rapports franco-tunisiens ;
b) Que les dispositions des Conventions du 3 juin 1955 qui seraient en contradiction avec le nouveau statut de la Tunisie, Etat indépendant et souverain, seront modifiées ou abrogées.
Il en découle également :
c) L’exercice par la Tunisie de ses responsabilités en matière d’affaires extérieures, de sécurité et de défense, ainsi que la constitution d’une armée nationale tunisienne.
Le protocole prévoit également, une « interdépendance » de coopération, « dans le respect de la souveraineté de la France et de la Tunisie ». Mais les conditions de l’indépendance, puis l’engagement de la bataille de l’Évacuation, remettront en cause l’interdépendance, subterfuge de circonstance.
La praxis politique de Habib Bourguiba, -son mode de gouvernement et son exercice du pouvoir- est au service des enjeux qu’il a identifiés et définis. Dans une lettre adressée de son exil de la Galite (1952-1953), Habib Bourguiba affirmait qu’il était affecté et fatigué, mais heureux d’être utile à son pays, de « contribuer à donner au peuple tunisien une âme collective, un sens aigu de la solidarité nationale ». Lors de la lutte et lors de l’ère postcoloniale, Habib Bourguiba affirmait l’unité nationale, condamnant la discorde et le tribalisme. La phase de libération et la recréation des institutions, sous le gouvernement national, ont été décisives, dans ce domaine, confirmées et confortées par l’affirmation de l’Etat, érigé en culte. Faut-il sous-estimer son attachement à la maxime du philosophe Auguste Comte, qu’il rappelait volontiers dans ses mémoires : “Vivre pour autrui”.