Le 11 mars dernier, l’inventeur de l’Internet, le Britannique Tim Berners-Lee, a donné une interview à la BBC. Et ce, pour marquer le 30e anniversaire de la présentation de son projet de créer le premier serveur Web. Son patron au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire) lui avait répondu alors que le projet était « vague, mais excitant ». Il a fallu cinq ans à peine pour que le serveur Web de Tim-Berners-Lee connaisse un développement spectaculaire permettant à l’Internet de s’étendre rapidement au grand public et de faire l’objet d’une nouvelle révolution technologique. Tout naturellement, la reine Elisabeth, et c’est le moins qu’elle puisse faire, a anobli son brillant sujet en 2004 qui devient « Sir »Timothy Berners-Lee.
Cependant, aujourd’hui, Sir Thimothy est inquiet pour son invention. Dans l’interview accordée à la BBC, il se déclare déçu, stressé même, face à la tournure infernale qu’a prise son invention. En effet, la cybercriminalité, la désinformation, la manipulation, l’exploitation de données privées, sont autant de méfaits, de crimes et d’écarts de conduite qui « font douter à beaucoup de monde que le Web puisse être une force de bien », selon l’expression même de son inventeur.
Que faire alors demande la BBC à Sir Timothy Berners-Lee ? « Une action mondiale doit être entreprise pour renverser la tendance et empêcher le Web de poursuivre sa chute vers un avenir dysfonctionnel », répond-il. Il invite les gouvernements, les fonctionnaires et les élus à se faire les « champions du Web », en prenant les mesures qui s’imposent « lorsque les intérêts privés menacent le bien public ».
Les quinze premières années…
Pour son inventeur, l’Internet a très bien marché les quinze premières années de son existence, avant de dérailler et de s’engager dans des sentiers douteux, dont la complexité et le danger s’affirment chaque jour un peu plus.
L’étonnant est que Tim Berners-Lee, dans son interview à la BBC, n’a pas soufflé mot du plus grand danger qui fait des ravages sur le Web : l’utilisation massivement destructrice de son invention par les terroristes. Il est bien évident que Daech n’aurait jamais pu mobiliser les dizaines de milliers de terroristes sans l’aide du Web et sans son utilisation maléfique. Elle n’aurait jamais pu semer la mort et la destruction à une échelle industrielle dans le monde arabe, sans le recours au Web transformé en machine diabolique au service du terrorisme mondial, pas seulement islamiste.
Tueries de masse et orgies de violence
Il ne fait pas de doute que la mauvaise utilisation de l’invention de Sir Timothy a joué un grand rôle dans la déstabilisation de plusieurs pays situés entre le Golfe et l’Atlantique, dans le cadre de ce qui est appelé « le printemps arabe ».
L’inventeur du Web ne devrait pas être content de son invention en ce 15 mars 2019 qui coïncide avec le trentième anniversaire de la présentation du projet du World Wide Web aux responsables du CERN. Ce jour là, un terroriste australien a fait le voyage en Nouvelle Zélande avec l’intention de faire un massacre parmi la communauté musulmane de ce pays tranquille et jusque là loin des bruits et des fureurs qui secouent la planète.
Le terroriste australien n’a pas prévu seulement les armes pour son massacre, mais également la technologie moderne pour que son crime terrifiant soit filmé et diffusé instantanément sur les réseaux sociaux. Cinquante personnes abattues parmi des musulmans en pleine prière et autant de blessés, le tout suivi en direct par des milliers sinon des millions de personnes connectés au Web à travers leurs téléphones et leurs ordinateurs portables.
En matière d’horreur sur le Web, la tuerie massive du terroriste australien est loin d’être une première. Avec Daech, nous avons vu pire. Les déstabilisations de la Libye et de la Syrie se sont transformées en orgies de violence : des centaines de personnes tuées d’une simple balle dans la tête ou carrément décapitées dans le cadre de mises en scènes hautement professionnelles à l’intention du Web.
Le mal est en nous
L’Internet, par les services fabuleux qu’il rend aux centaines de millions de personnes sur terre, aux économies de toute taille et aux sociétés de toute nature est incontestablement une invention utile. Son inventeur a des raisons de se sentir fier du produit de son intelligence et de son génie. Mais il a autant de raisons d’être inquiet et déçu par les dérapages, les dévoiements et les méfaits générés par le mauvais usage de sa belle invention.
Toutes proportions gardées, Tim Berners-Lee doit ressentir la même inquiétude et la même déception ressenties en leur temps par Enrico Fermi, Robert Oppenheimer, Albert Einstein et leurs amis face aux développements effarants engendrés par leurs travaux sur l’énergie nucléaire. Pensant mettre à la disposition de l’humanité une source d’énergie inépuisable, ils ont vu leurs travaux détournés vers la fabrication d’armes de destruction massive que les politiciens américains avaient sciemment expérimentées en grandeur nature les 6 et 9 août à Hiroshima et Nagasaki.
Le mal n’est pas dans les machines que nous inventons, mais dans l’usage que nous en faisons. Le mal est en nous. Nous le portons et nous le transmettons de génération en génération depuis des centaines de milliers d’années.
Le mal est peut-être dans ce « cerveau reptilien » qui, d’après les spécialistes de l’évolution, constitue le noyau à partir duquel notre cerveau a entamé il y a bien longtemps sa très lente et très longue croissance. Et bien qu’il ait atteint aujourd’hui un poids et une taille parfaitement respectables, l’influence de ce minuscule cerveau reptilien de base est toujours dévastatrice.