Quand une malheureuse coïncidence fait bien les choses. A Christchurch, en Nouvelle-Zélande, un forcené avec une rage islamophobe au ventre, a fait irruption dans deux mosquées pour faire un carnage parmi les fidèles. Une implacable haine portée à son paroxysme et un rejet de l’autre dans son expression la plus sanguinaire, la plus lâche.
A des milliers de kilomètres plus loin, et par delà les océans, à Tunis, on va fêter comme il se doit et toute une année, cette culture islamique à la fois admirée et honnie.
Heureuse coïncidence aussi ou quand cette même culture islamique reprend le même crédo, avec le même souci, la même ambition, pour un maigre résultat. Dans l’imaginaire occidental, l’image stéréotypée du méchant arabe, du vicieux musulman est tenace.
Tunis 2019 capitale de la culture islamique, dix ans jour pour jour après Kairouan 2009. Et cette image sublimée et apaisée d’une culture diabolisée que l’on veut envoyer au monde. On peut toujours se poser la question : qu’a fait Kairouan 2009 pour répandre la bonne parole et l’acceptation de l’autre ?
Quand on regarde ce qui s’est passé et ce qui se passe en ce moment en Tunisie et ailleurs, on ne peut qu’avoir des regrets. Jamais le salafisme le plus rétrograde, le plus violent, le plus barbare, n’a autant proliféré. Ici et au-delà.
Le discours hystérique takfiriste parti symboliquement de Kairouan est toujours dans les esprits. Pourtant, on a affiché la cité des Aghlabites, capitale de la culture islamique.
Deux ans après, et avec la déferlante identitaire reprise à la sauce djihadiste, on a vu ce qu’il en fut. Des hordes de barbus aux cris de « A mort les impies et tous les mécréants qui polluent la terre d’Oqba » ont essaimé et glacé d’effroi leurs concitoyens et le monde.
Jetés dans la poubelle, les beaux principes et les belles envolées nostalgiques d’un passé qu’on ressuscite pour mieux accabler un présent désastreux en tous points de vue.
Tolérance zéro comme point limite zéro ; aucune limite à une forme d’inquisition qui ne dit pas son nom et qui nous ramène à cette chute de Grenade, par où tout a commencé et par où tout a fini.
Depuis, les musulmans se sont endormis pour ne plus se relever. La déchéance ayant pris les couleurs du terrorisme pour faire revivre un passé révolu et pas aussi idyllique qu’on le croit.
Depuis, on ressasse un passé glorieux, comme si la culture islamique a complètement échappé à ses géniteurs pour laisser la place à une autre forme de culture aux ardeurs belliqueuses. Comme si la violence était devenue l’apanage exclusif des musulmans eux seuls. A terrorisme islamique, terrorisme chrétien ; une sorte de réponse du berger à la bergère.
Tunis 2019, et toujours cette quête inlassable de l’image la plus rassurante possible d’une culture islamique expurgée de toutes ces excroissances qui font autant de tort que de mal. Une culture qui a marqué de son empreinte le savoir universel, et qui n’est plus ce qu’elle était. Rayonnement, affaiblissement et déclin. Et cela ressemble à s’y méprendre à ce cas tunisien vers lequel tous les regards sont braqués.
Et comble du paradoxe, on en est encore à se demander vers quel type d’Etat nous nous dirigeons : civil ou religieux ? Qui va l’emporter ? Aucune conclusion définitive, même s’il y a des signes qui ne trompent pas.
Tunis capitale de la culture islamique fera-t-elle mieux que Kairouan 2009 pour porter haut une culture chahutée pour ne pas dire ternie par les siens ? Rendez-vous à la fin de l’année.