Douze banques tunisiennes ont signé, hier, un accord de prêt syndiqué au profit du budget de l’Etat. Et ce, pour un montant total de 356 millions d’euros, soit l’équivalent d’environ 1,2 milliard de dinars. L’économiste tunisien Ezzedine Saidane, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com, explique les répercussions de ce type de prêt sur la situation économique et financière du pays
Ce nouveau prêt affirme bel et bien que l’Etat se tourne de nouveau vers la liquidité en devises, déclare d’emblée l’économiste. Le prêt en question s’étale sur trois ans au taux d’intérêt de 2,5% ou de 2,25% (remboursement annuel). Il ne s’agit pas du premier prêt contracté par l’Etat tunisien. Le premier prêt était de 250 millions d’euros.
Notre interlocuteur a affirmé que l’encours des crédits en dinars obtenus par l’État auprès des banques tunisiennes dépasse les 21 milliards de dinars, dont l’essentiel est refinancé par la BCT (planche à billets).
Notre interlocuteur soutient que ce type de prêt a deux répercussions principales. Il assèche la liquidité bancaire. La crise de liquidité sans précédent dans l’histoire de la Tunisie qui a explosé en 2017. Le phénomène contribue aussi à gonfler la masse monétaire et à attiser l’inflation, poursuit-il.
Pis encore, l’expert affirme que le prêt s’est fait à un taux d’intérêt qui ne répond à aucune logique financière. « L’État tunisien vient de contracter un prêt en novembre 2018 sur le marché financier international un emprunt pour 500 millions d’euros avec une marge de 6,75%. Alors que le prêt signé ce soir s’est fait à un taux d’intérêt de 2,25% avec des échéances annuelles, et 2,5% pour un remboursement en une échéance unique au terme des trois années. Le même emprunteur (l’État) emprunte dans la même monnaie (euros) une fois à 6,75% + le taux du marché auprès du marché financier international et une fois à 2,25% auprès des banques tunisiennes ».
Avec ces agissements l’Etat s’oriente vers un assèchement de la liquidité en devises. Cela arrive après avoir asséché les liquidités en dinars. Pointant du doigt l’Etat tunisien et la BCT, il considère que tous deux poussent les banques à s’installer dans leur confort de rentiers. « Les banques préfèrent en effet prêter à l’État sans frais et sans provisions et à publier des résultants mirobolants dans une économie moribonde », remarque-t-il.
Quand un prêt syndiqué sert à la consommation !
De plus, ce prêt ne servira pas à l’investissement mais pour couvrir des dépenses budgétaires courantes. Ces devises «proviennent des dépôts de non-résidents (étrangers pour la plupart) auprès des banques tunisiennes » affirme-t-il.
Pour lui, il s’agit d’une fuite en avant très grave. « Il suffit de rappeler que l’encours de la dette extérieure de la Tunisie a atteint (à fin 2018) plus de 93 Milliards de Dinars, oui je dis bien 93 milliards de Dinars en principal seulement, donc sans compter les intérêts. Ce chiffre représente environ 90% du PIB de la Tunisie ».
Suite à cette analyse, Ezzedine Saidane conclut que « ces chiffres montrent que la dette extérieure de la Tunisie n’est probablement plus soutenable. Elle n’est donc plus remboursable dans des conditions normales »