L’année universitaire ne se déroule pas dans de bonnes conditions. Avec la grève administrative d’une partie des enseignants, la montée en puissance d’un syndicat indépendant (IJABA), les pressions budgétaires qui ne permettent pas d’allouer plus de ressources à la recherche scientifique, les contestations sur la présence des capitaux étrangers, la fin de l’année s’avère très compliquée.
Dans ce marasme, il y a une « bonne » nouvelle. Le 18 mars, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et l’UGTT (donc un accord sans IJABA), se sont mis d’accord sur le principe de rémunérer la recherche scientifique. Il s’agit d’une prime annuelle attribuée aux universitaires pour leurs différentes productions : articles scientifiques, livres et brevets. Cela est également ouverts également aux hospitalo-universitaires. Pour ceux qui travaillent dans les régions intérieures, une prime de 30% sera attribuée par rapport à ce que reçoivent leurs collègues dans les villes « privilégiées ».
Mais, il ne s’agit pas de rémunérer n’importe quel travail. Il faut d’abord que ce soit un travail dans une revue scientifique qui a la cote. Le classement SCOPUS et Web of Sciences seront parmi les classements retenus, mais la liste définitive sera arrêtée par un comité mis en place par le Ministère. En fait, bien que ces deux classements soient bien connus, ils sont critiqués pour la faible représentativité des revues non anglophones en sciences humaines et sociales. Il y aura également un effort financier de la part des autorités scientifiques tunisiennes pour faire entrer nos revues dans ces classements, ce qui est d’une grande utilité. Grâce à de telles mesures, le classement des universités tunisiennes, en amélioration, mais toujours à la traîne, pourrait faire un saut significatif durant les prochaines années.
Comment calculer la rémunération ?
Bien évidemment, publier dans une top revue américaine n’est pas rémunéré comme un article dans un recueil de dernier rang. Ainsi, une plus grande récompense sera attribuée aux revues classées au top 25 de la liste arrêtée (Q1) et le deuxième quart (Q2). Reste maintenant à quantifier les coefficients.
Quelle que soit la production scientifique, la rémunération ne dépassera pas trois fois le salaire brut de l’enseignant. De plus, la prime est partagée équitablement entre les participants à la recherche en question.
A noter que ceux qui ont publié des travaux en 2018 pourront bénéficier d’une rémunération pour leurs efforts selon une autre grille, un peu moins avantageuse.
A noter que tous les travaux doivent être insérés dans une plateforme électronique qui sera lancée pour cette fin d’année. Les travaux de chaque année doivent être introduits dans cette base durant les trois premiers mois de l’année suivante. Pour les travaux de 2018, il y aura un délai exceptionnel allant jusqu’au mois de mai 2019.
Des problèmes dans l’application
Comme toutes les lois tunisiennes, l’intention est bonne, mais l’application est loin d’être parfaite. Les vrais moteurs de la production sont les doctorants. Ces derniers, et selon le texte de l’accord publié, ne seront pas rémunérés. Nous pensons que c’est une injustice. Comment pourront-ils travailler sur un article, issu de leurs travaux en cours, mais qui serait publié au nom de l’encadreur ? Qui leur garantit que ce dernier ne va pas s’accorder l’exclusivité du travail pour avoir la totalité de la prime ? De plus, cette rémunération risque d’ajouter de la pression sur les doctorants, qui risquent d’être exploité dans la production de ces articles.
Autre problème potentiel : les encadreurs risquent de prendre un maximum d’étudiants à encadrer dans le but de maximiser la rémunération potentielle. Cela aura des conséquences sur la qualité de l’encadrement en lui-même.
Il faut donc mettre en place des mécanismes de contrôle pour que les avantages accordés aux « seniors » enseignants titulaires ne soit pas obtenus au détriment des « juniors ».