Donnez-moi un théâtre, je vous donnerai un peuple, parole de Shakespeare. On vient justement de célébrer la Journée mondiale du quatrième art… Et on dirait un théâtre ambulant d’ombres et de marionnettes à défaut de lumières, que tous ces sommets arabes qui se suivent et qui se ressemblent.
Carrousel de dirigeants arabes venus à Tunis pour abaisser les tensions, aplanir les difficultés, effacer les humiliations et arrêter une stratégie de reconquête, et de l’honneur et du respect des opinions publiques.
En surface, et seulement en surface. L’action arabe commune est morte, vive l’action commune arabe. Quand l’union devient une utopie. Dans un monde arabe qui n’a jamais été autant divisé, autant déchiré, jamais les allégeances n’ont été aussi flagrantes, aussi affligeantes, aussi dégradantes.
Mais que reste-il de cet honneur arabe, de la souveraineté arabe ? A part une pure gesticulation, pour rassurer une conscience en hibernation depuis fort longtemps. Et comme un malheur ne vient jamais seul, voilà que l’administration Trump décide de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien occupé depuis des décennies. Et ce, dans la foulée du transfert de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem.
A force de compromissions, on les attendait un peu ces deux signaux forts de la Maison Blanche. Comme faire un pied de nez au sommet de Tunis. Comme pour bien montrer que tous les sommets arabes du monde ne pourront rien y faire.
Avec la réalité amère de tous les théâtres d’opérations dans la région, je ne sais pas si on va avoir le courage de se regarder les yeux dans les yeux ou au contraire jouer au poker menteur.
Le décalage avec la rue arabe est tellement énorme, que vous pouvez demander à n’importe quel citoyen arabe lambda que vous accosterez dans la rue, ce qu’il pense du sommet de Tunis, il vous répondra sans varier : sommet arabe de Tunis, quel sommet ?
Une conséquence directe et prévisible, face à l’irresponsabilité et en quelque sorte un retour de manivelle en pleine figure d’un sommet dont on n’attend rien de concret.
Tant qu’on s’obstinera à parler au nom des peuples arabes, alors que ces derniers ont toujours été absents et maintenus en marge de décisions qui, jusque là, n’ont fait qu’empoisonner leur présent et hypothéquer encore plus leur avenir.
Sommet boiteux, pour peuples arabes qui boitent. Un peu à l’mage du pays hôte. En effet, que reste-il de cette particularité tunisienne qu’un certain argent arabe tient absolument à effacer ?
Pour combien de temps encore, un modèle unique en son genre qui fait la fierté de tous les Tunisiens, pourra-t-il résister aux coups de boutoir de son ennemi numéro un, l’obscurantisme ? N’est-il pas paradoxal que certains parmi ceux qui sont venus à Tunis pour prêcher à peu près tout et son contraire, sont ceux-là mêmes qui, à coup de sommes d’argent mirobolantes et via leurs laquais locaux, s’acharnent ouvertement à vouloir détruire ce même modèle ?
Jeu de dupes au sein d’une famille arabe décomposée. Jeu de dupes aussi au sein d’une famille tunisienne qu’on veut recomposer. Et là aussi, le tawafouk (consensus) à la tunisienne est mort, vive le tawafouk !
Cela dit, la 31ème édition du sommet posera ses valises à Alger. D’ici là, beaucoup d’eau aura couler sous les ponts. Une Algérie transformée fera tout pour que la trente et unième se distingue des autres…