Dans de nombreux domaines, on parle d’ores et déjà de bonne gouvernance. Mais il est clair que certains secteurs peuvent mieux faire que d’autres. Tel est le cas du secteur de la santé, où la lutte contre la corruption est à l’oeuvre.
La gouvernance du secteur de la santé, tel est le débat organisé par l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), en partenariat avec la Fondation Hanns Seidel Stiftung et la Cour des Comptes. Un événement ayant réuni durant la journée du mardi les parties concernées du secteur.
« Notre défi est clair : donner plus d’opportunités pour une meilleure gouvernance du secteur », affirme la ministre de la Santé par intérim, Sonia Becheikh. Elle précise dans ce contexte que des mesures ont été prises. Et de citer le projet « médecine à distance », dont le coup d’envoi aura lieu dans certains hôpitaux, tel l’hôpital La Rabta, le centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous; et jusqu’à l’ensemble des hôpitaux par la suite.
Tout comme elle a rappelé que 12 hôpitaux publics travailleront avec le système de gestion des rendez-vous en ligne, implanté à partir du mois d’avril. De plus, il est question de mettre en place une infrastructure informatisée. Elle sera disponible dans 600 centres de santé, afin d’améliorer les services offerts aux patients. Elle confirme son engagement à lutter contre la corruption. Et cela passe par l’examen des finances de l’administration jusque dans les directions régionales de la santé.
Par ailleurs, Chawki Tabib, président de l’INLUCC, a mis l’accent sur l’importance de la bonne gouvernance et la nécessité de stopper l’hémorragie de la corruption (la pénurie des médicaments, les stents périmés, l’infrastructure des hôpitaux). Il poursuit : « D’ailleurs, nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis fort longtemps. Ce que nous demandons c’est que les mesures soient appliquées. Les réformes ne peuvent être que participatives. »
Au delà du diagnostic, il est important de mettre en place des réformes. Souhail Alouini, président de la commission de la santé et des affaires sociales à l’ARP, soulève que les réformes rapides ne suffisent pas, il faut des réformes globales. Ce qu’il entend, c’est qu’elles doivent avoir plusieurs axes : un changement du système global impliquant le système hospitalier.
Selon lui, il faut réfléchir aux grandes lignes car 80% des patients se soignent dans le secteur public.
Autant dire qu’il y a beaucoup à faire sur le plan juridique. Aida Caïd Essebsi, enseignante universitaire, docteure en droit privé, a évoqué le cadre légal de la responsabilité médicale.
Selon elle, les difficultés soulevées proviennent de l’incohérence de certains textes de lois. Elle estime qu’il y a beaucoup de textes qui sont anciens et incohérents.
Un cadre légal spécifique pour le secteur de la santé
Notons qu’il y a une semaine de cela, un projet de loi sur la responsabilité médicale et les droits des patients a été élaboré par la commission au sein du ministère de la Santé. Un projet de loi, qui selon elle, pourrait être un cadre légal adéquat pour gérer la question des responsabilités pénale et civile que ce soit dans le secteur public que privé.
Cela fait des années que les médecins tirent la sonnette d’alarme, peut-on trouver des solutions ? A cette interrogation, Mme Caïd Essebsi a répondu : « Il est important de présenter un texte spécifique pour gérer la responsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute. »
Autrement dit, comment définir la faute et l’erreur médicale ? Mme Caïd Essebsi a souligné: « La faute c’est l’écart de conduite c’est-à-dire que le médecin ne s’est pas comporté comme il le fallait. Et l’erreur, comme on dit, est humaine. Toute erreur n’est pas forcément une faute, mais certaines erreurs peuvent être considérées comme fautives, ouvrir une réparation sur la base de responsabilité. »
Sur la question de la responsabilité du drame survenu à l’hôpital de La Rabta- le décès des 15 nourrissons dû à une infection nosocomiale- Mme Essebsi s’est exprimée. « S’il est prouvé que le drame à la Rabta est dû à une infection nosocomiale, cela implique une responsabilité sans faute, car ce serait un germe qui aurait contaminé l’établissement et causé la mort des bébés, sans qu’il y ait forcément une négligence. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il faut dissocier responsabilité et faute. Il peut y avoir une responsabilité de l’établissement de santé même sans faute, en cas d’accident médical, en cas d’infection nosocomiale. »
Et de poursuivre : « L’établissement et l’Etat devraient une indemnisation aux parents en raison des dommages causés. »
Par ailleurs, Myriam Guerfali, présidente de l’Association tunisienne des pharmaciens hospitaliers, chef du service de pharmacie de l’hôpital de la Rabta, affirme que le secteur de la santé n’a pas évolué.
Le manque de moyens, allié au déficit des caisses de la CNAM qui connait des problèmes de liquidité, a créé un système de boule de neige.
Elle conclut : » Il n’est pas possible qu’on se retrouve avec deux ministères, celui de la santé et celui des Affaires sociales (CNAM). Et je suis convaincue que rien ne marche avec deux têtes pensantes. Vous savez quand tout manque, la corruption augmente ».