Alors que son parti Nidaa Tounès l’avait présenté comme le meilleur candidat possible, le président Béji Caïd Essebsi a annoncé qu’il ne souhaite pas se représenter à l’élection présidentielle : « En toute honnêteté, je ne pense pas que je vais me représenter », car il faut « ouvrir la porte aux jeunes ».
Certes, à 92 ans, celui qui est depuis 2014 le premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, n’était pas sûr d’être réélu en cas de candidature, mais il convient de saluer cette décision sage teintée de réalisme. Les régimes arabes en manquent par trop.
L’exemple algérien vient de l’illustrer : il a fallu que la souveraineté populaire se manifeste avec force pour le président Bouteflika revienne sur sa candidature, avant d’être contraint à la démission.
Des situations qui renvoient à l’un des paradoxes arabes : des sociétés jeunes guidées par de vieux dirigeants…
La gérontocratie désigne un régime politique où le pouvoir est exercé par les personnes les plus âgées de la société, car jugées plus sages. Une sagesse qui ne caractérise pas pourtant les vieux dirigeants du monde arabe, plus portés vers l’autoritarisme comme mode de gouvernement de sociétés caractérisées par le poids démographique de la jeunesse.
En effet, les populations des sociétés arabes sont particulièrement jeunes : 60% de la population arabe a en moyenne moins de 25 ans. En termes de pyramide d’âge, les effectifs des générations les plus jeunes restent particulièrement fournis. La fécondité étant restée très élevée jusqu’à il y a une vingtaine d’années, on constate un renflement de la population des adultes en âge de travailler. Cela ne va pas sans poser problème, car le marché du travail des sociétés arabes, à l’exception notable des pétromonarchies, ne parvient pas à absorber cette main-d’œuvre toujours plus diplômée.
La pression démographique se traduit en pression sur l’emploi pour une jeunesse qui constitue le segment qui croît le plus vite.
Plus diplômée, la jeunesse arabe se trouve confrontée à deux phénomènes qui ont alimenté leur mobilisation, voire leur soulèvement à partir de 2011 : un chômage massif et une sous-qualification structurelle.
Face à ce type de défi, le poids de l’âge du président Béji Caïd Essebsi se faisait d’ailleurs sentir dans sa capacité réelle à diriger le pays et son propre parti, traversé par des tensions internes permanentes. Du reste, l’annonce de sa non candidature intervient quatre jours après celle de la démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, 82 ans. Si l’état de santé du président Béji Caïd Essebsi n’est pas comparable à celui de son ex-homologue algérien, le contraste est saisissant entre l’image de sa population et celle du leader.
Un contraste auquel n’échappe pas non plus le Maroc, où les absences du roi Mohammed VI nourrissent des rumeurs récurrentes sur son état de santé…
La gérontocratie qui pèse sur les régimes politiques arabes nourrit leur dérive autoritaire caractérisée par la montée du culte de la personnalité. Le vieillissement des dirigeants au sommet et celui des équipes qui les entourent ajoutent aux blocages politiques et institutionnels.
La transition dynastique en est le pendant : nombre de régimes arabes entrent dans une période de successions, horloge biologique oblige, à savoir l’âge avancé des dirigeants en place. Comme l’atteste l’exemple saoudien ou qatari, ce type de succession dessine une dérive dynastique à laquelle la Tunisie semble échapper…