D’après le journal britannique « The Independent« , ce qui a poussé le maréchal Khalifa Haftar à avancer ses forces vers Tripoli, ce sont les informations concernant un « trafic suspect d’hommes et de matériels » entre les aéroports d’Istanbul et de Tripoli ».
On ne peut pas dire que c’est un scoop, car, depuis huit ans, le trafic aérien et maritime n’a jamais cessé entre Tripoli et Istanbul. C’est un secret de polichinelle que le régime islamiste d’Erdogan et l’Emirat du Qatar soutiennent sans arrêt les Frères musulmans de ‘Fajr Libya’ et leurs milices armées. Le trafic d’armes payées par le Qatar et transportées jusqu’à Tripoli par les navires et les avions d’Erdogan explique pourquoi les milices armées islamistes tiennent toujours le haut du pavé dans la capitale libyenne et refusent toute solution politique qui se traduirait par leur perte d’influence et leur marginalisation.
Il est vrai qu’il y a « un gouvernement d’accord national » dirigé par Fayez Sarraj reconnu par « la communauté internationale », mais ce gouvernement est l’otage des milices islamistes qui ne lui ont permis de s’installer à Tripoli qu’à la condition qu’il se plie à toutes leurs exigences et réponde promptement à leurs demandes les plus extravagantes. Ce n’est un secret pour personne que le gouvernement présidé par Sarraj ne résistera pas un jour s’il refuse de se plier au chantage de ‘Fajr Libya’ et de ses milices armées.
Italie-Qatar même combat
Il est naturel que la décision de Khalifa Haftar de libérer la capitale libyenne des milices armées et de la terreur qu’elles font subir à la population civile soit dénoncée haut et fort par le Qatar et la Turquie dont les machines de propagande n’ont pas perdu de temps pour s’en prendre au « sanguinaire Haftar qui bombarde les civils avec l’aide des Emirats arabes unis, l’Egypte et l’Arabie saoudite ». C’est ce que l’on entend à longueur de journée dans les médias de Tamim Ben Hamad Al Thani et Recep Tayyip Erdogan depuis le 4 avril.
La poursuite de l’opération de l’armée nationale libyenne contre les milices islamistes commence à inquiéter le Qatar et la Turquie. Le silence officiel des responsables qataris a été rompu mardi 16 avril par le ministre des Affaires étrangères, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, qui, dans une interview au journal italien ‘La Repubblica’, a appelé la Communauté internationale « à rendre effectif l’embargo contre Haftar et d’empêcher les Etats qui le soutiennent de lui envoyer des armes »…
Il ne faut s’étonner ni du choix du média italien ni du contenu de l’interview du ministre qatari. La rivalité de l’Italie avec la France et sa peur de voir ‘Fajr Libya’ ouvrir la voie aux milliers d’émigrés clandestins en direction des côtes italiennes explique l’alignement de Rome avec le Qatar et la Turquie sur la scène libyenne. Il est donc normal que ‘La Repubblica’ ouvre ses colonnes à la propagande qatarie.
Hypocrisie écœurante
Quant au contenu de l’interview, il ne faut pas s’étonner non plus de l’appel à l’embargo contre Haftar lancé par Mohammed Ben Abderrahman Al Thani. Le Qatar qui, depuis huit ans arme et finance les milices terroristes de Tripoli, voit soudain son soutien à l’islam politique contrecarré par des forces déterminées à mettre un terme à l’anarchie et au règne dévastateur des milices. Inquiet de perdre toute influence en Libye, le Qatar, par la voix de son ministre, tente désespérément de mobiliser la communauté internationale contre le chef de l’armée nationale libyenne. En d’autres termes, dans son appel pathétique à travers la ‘Repubblica’, Mohammed Ben Abderrahman Al Thani appelle la communauté internationale à être sélective dans son attitude vis-à-vis de la Libye, en ne laissant passer que les armes payées par le Qatar et livrées par la logistique turque.
Qu’elle réponde ou non à l’appel désespéré du Qatar, la ‘communauté internationale’ continue à traiter le dossier libyen avec une hypocrisie écœurante. Voilà bien huit ans que la Libye est à feu et à sang, et il y en a qui croient encore que la solution politique est l’« unique moyen » de mettre un terme au désastre libyen. En 2014, la Libye était très proche de la solution après les élections. Mais comme l’islam politique les a perdues, la solution politique fut reléguée aux calendes grecques. Car, comme tout le monde sait, les islamistes adorent les élections, mais à condition qu’ils soient eux les gagnants.
La solution en Libye ne passe pas par un embargo contre Haftar, comme le désire ardemment les Al Thani et autres Erdogan, mais par la surveillance étroite du Qatar et de la Turquie; en les empêchant d’armer et de financer les milices qui continuent de prendre en otage la capitale libyenne.