Tunis va vibrer du 1er au 5 mai prochain au rythme des films documentaires. Doc à Tunis, le festival du film documentaire, revient pour sa treizième édition sans interruption avec comme à son habitude une programmation pertinente et variée.
Ce festival porté par une équipe jeune va mettre les projecteurs sur les questionnements de notre temps. Les questionnements qui secouent cette jeunesse perdue entre la fin des idéologies et la naissance d’un désir d’avenir en rupture avec le passé.
Un festival politique ?
Si nous considérons le terme politique en le ramenant à son origine grecque c’est-à dire ce qui a trait au citoyen, alors effectivement ce festival est politique. Et comment ne pas l’être au regard des crises politiques de tout ordre qui fleurissent aux quatre coins du monde.
La jeunesse d’aujourd’hui appartient à une génération qui paye le prix fort pour des choix économiques, idéologiques et climatiques qui découlent des politiques de la fin du XIXè siècle.
Comment cette génération prend-elle en main son avenir ? Comment lutter contre des sociétés néo-libérales dans lesquelles les pauvres sont de plus en plus pauvres et nombreux et où la planète est en danger croissant. De quel monde héritent-ils ? Entre guerres, exil, frustration et espoir cette jeunesse s’inscrit au cœur des questionnements de ce festival.
Le choix de cette thématique
Cette thématique s’est imposée aux organisateurs à travers les films documentaires d’une grande actualité sortis entre 2018 et 2019 dont les sujets sont massivement le réfugié politique, économique et climatique.
Être réfugiés est un statut difficile et contradictoire car personne ne leur offre une protection les faisant passer d’une tragédie à une autre. Un autre thème découle de ce dernier presque naturellement et pourtant si ironiquement : celui de l’identité.
Durant les cinq jours du festival et dans cette urgence de revenir à l’essentiel du documentaire, les organisateurs du festival ont dégagé quatre axes qui leur permettront en présence des réalisateurs tunisiens et étrangers de questionner le rôle du film documentaire.
Car dans une époque où l’image est omniprésente et le reportage est devenu à la portée de chaque personne possédant un Smart phone le documentaire est un genre qui devient de plus en plus essentiel, car il n’est pas dans l’instant et dans l’éphémère, mais c’est un travail de longue haleine qui propose une réflexion et présuppose une esthétique et une vision pour ne pas dire une philosophie.
Ainsi, cette treizième édition mettra la lumière sur le documentaire comme arme d’engagement social, elle questionnera le documentaire analysant l’art et la création. Puis grâce à un choix de films poignants nous verrons qu’être documentariste c’est s’engager aussi à filmer jusqu’à en mourir pour enfin voir comment le documentaire interagit, critique et dépeint l’exercice du pouvoir.
« Le documentaire, arme d’engagement social »
Pour fêter dignement 1er mai, Doc à Tunis 2019 propose plusieurs films qui mettent en lumière les transformations des luttes sociales ces dernières années. Les organisateurs présenteront, entre autre, le film « J’veux du soleil » de François Ruffin et Gilles Perret. Ce film retrace les manifestations des « Gilets Jaunes ». Une rencontre avec Gilles Perret suivra la projection du film. Un deuxième panel réunira des réalisateurs tunisiens et français afin de questionner le rôle politique du documentaire.
Dans cette perspective sera présenté le film « De chaque instant » de Nicolas Philibert en présence du réalisateur et ce le 2 mai. « De chaque instant » est un film qui retrace la destinée d’infirmières et met en valeur l’importance de leur métier ainsi que les difficultés auxquelles elles font face chaque jour.
« Le documentaire face à l’art et à la création »
Le documentaire est un art mais il est aussi un art qui filme et raconte les autres arts. Il témoigne dans un effet miroir du travail d’autres artistes. Cette édition présentera entre autre « L’Urgence d’agir » de David Mambouch qui est un film qui raconte la carrière et l’engagement artistique de Maguy Marin cette chorégraphe incontournable qui n’a cessé d’innover durant ses 35 ans de carrière.
« Filmer jusqu’à en mourir »
Jusqu’où les réalisateurs peuvent aller pour témoigner des grandes tragédies de notre temps ?
A cette question plusieurs films vont proposer des réponses à chaque fois uniques et poignantes. C’est le cas entre autre du film « Still recording » dont le réalisateur est décédé lors du tournage de son film pendant la guerre en Syrie. La Syrie et les idéologies qui ont secoué ce pays pendant ces années noires seront à l’honneur grâce au film de Talal Dekri « Of fathers and sons ».
L’urgence d’agir et de faire face aux problématiques climatiques ne seront pas ignorées grâce à deux films forts « The ghost fleet » de Shannon Service et Jeffery Waldron et « Anthropocène : l’époque humaine » film canadien qui interroge la domination humaine sur la nature et les dangers qui guettent notre espèce.
« Le documentaire face au pouvoir »
Le dernier jour du festival sera consacré au rapport ambigu qu’entretient le documentaire avec le pouvoir dans toutes ses formes. Les films programmés nous plongeront dans l’histoire de l’Afrique du sud grâce au film de Nicolas Champeaux et Gilles Porte « Le procès contre Mandela et les autres ».
Les visiteurs du festival se baladeront dans les coulisses de l’Elysée et questionneront la solitude des hommes de pouvoir à travers le film de Jean Michel Djian qui nous honorera de sa présence et débattra autour de son film.