Le 9 avril, le président égyptien Abdelfattah Sissi a été reçu à Washington par le président Donald Trump. Le 30 avril, la porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Sanders a fait cette déclaration : « Le président des Etats-Unis envisage de placer les Frères musulmans sur la liste noire américaine des organisations terroristes. Le président s’est entretenu avec son équipe de sécurité nationale et les dirigeants de la région qui partagent son inquiétude et cette désignation est en cours d’examen suivant le processus interne. »
Pratiquement tous les commentateurs et tous les observateurs ont fait le lien entre la visite de Sissi et l’annonce, trois semaines plus tard exactement, de l’intention de l’Exécutif américain d’ajouter la nébuleuse des Frères musulmans à sa liste noire des organisations terroristes. D’autant que Trump, qui a visiblement sympathisé avec son invité, n’a pas raté l’occasion de louer « le bon travail » qu’est en train de faire son homologue égyptien.
L’homme le plus heureux de l’annonce de la Maison-Blanche est incontestablement le président égyptien qui savoure déjà la perspective de voir ses pires ennemis épinglés par le président américain; et qui, dans le même temps, se délecte de sa capacité de convaincre la plus grande puissance du monde de se ranger aux côtés de l’Egypte dans sa bataille incessante contre la confrérie.
L’homme le plus malheureux de l’annonce de la Maison-Blanche est sans aucun doute le président turc Recep Tayyip Erdogan qui se lamente déjà de voir ses meilleurs amis et ses plus fidèles soutiens menacés de figurer d’un jour à l’autre sur la liste noire américaine des organisations terroristes.
Erdogan se trouve dans une situation cauchemardesque rien qu’en imaginant les conséquences désastreuses pour le parti islamiste turc qui vient de subir une catastrophe électorale dans les récentes élections municipales, où il a déjà laissé des plumes dans toutes les grandes villes turques.
On peut supposer sans risque d’erreur que les deux hommes sont en train de prier, chacun de son côté. Sissi prie pour que son beau rêve devienne réalité et Erdogan prie pour que son mauvais rêve ne se transforme pas en vrai cauchemar.
En attendant les résultats des prières de l’un et de l’autre, la vraie bataille qui décidera du sort de la confrérie se déroule à Washington. Le président Trump, son conseiller John Bolton et son secrétaire d’Etat Mike Pompeo sont pour l’inscription de la confrérie sur la liste des organisations terroristes. Alors que le département de la Défense et certaines agences de renseignements, dont la CIA, sont en train de faire toutes les pressions possibles pour les dissuader d’aller de l’avant.
Mais à supposer que Trump ne se laisse pas dissuader et aille jusqu’au bout, l’application de sa décision s’avérera un véritable casse-tête. Car la confrérie des Frères musulmans n’est pas une organisation comme les autres. C’est un labyrinthe composé de cellules, avec ou sans liens entre elles, qui sont présentes dans la plupart des pays du monde et disséminées sur les cinq continents.
On trouve des Frères musulmans dans tous les pays musulmans de l’Indonésie au Maroc et dans tous les pays chrétiens de la Suède à la Nouvelle-Zélande. Comment recenser toutes les composantes de ce labyrinthe et suivre tous ceux, pays, organisations ou individus qui coopèrent ouvertement ou secrètement avec elles ?
Le lien entre le terrorisme et les Frères musulmans est une évidence. Leur organisation constitue, depuis sa naissance en 1928, le tronc sur lequel ont évolué avec le temps des branches et des ramifications dont les plus violentes sont Al Qaida, Annusra et Daech.
Ces organisations terroristes violentes n’ont pas surgi du néant. Leurs créateurs avaient fait leurs premiers pas dans l’organisation-mère des Frères musulmans, où ils étaient endoctrinés et coulés dans le moule de la Confrérie.
Plutôt que de mettre une nébuleuse d’organisations sur la liste noire du terrorisme, il serait peut-être plus efficace de mettre la pression sur les pays qui, à l’instar de la Turquie et du Qatar, les soutiennent depuis des années financièrement, politiquement et militairement, comme c’est le cas jusqu’à ce jour en Syrie et en Libye.
Les Frères et leurs principaux sponsors turcs et qataris sont sans doute inquiets de la procédure qui se prépare contre eux à la Maison-Blanche. Il leur reste toutefois la possibilité de prier le bon Dieu pour que les éléments les plus influents de l’Etat profond au Pentagone et à la CIA l’emportent, dans le bras de fer qui les oppose aux éléments les plus influents de l’Exécutif fédéral.