A six mois des élections législatives et de la présidentielle, la Tunisie a besoin de s’engager dans un programme de sauvetage de son économie et de ses finances publiques. A cet égard, l’économiste Ezzeddine Saidane livre plus de détails à leconomistemaghrbin.com. Interview.
Quelles seront les priorités économiques des six mois qui nous séparent des élections ?
La véritable priorité des six mois qui nous séparent des élections est celle qui consiste à engager la Tunisie dans un programme de sauvetage de son économie et de ses finances publiques.
Des indicateurs comme la dette extérieure (101 milliards de dinars à fin 2018, soit près de 100% du PIB), la dette publique (80 milliards de dinars, sans compter les engagements de l’Etat en faveur des entreprises publiques), l’inflation (7,5% en moyenne en 2018), le déficit de la balance commerciale (19,2 milliards de dinars en 2018 et plus de 4 milliards de dinars pour le premier trimestre de 2019), le déficit de la balance des paiements courants à deux chiffres (11,2% en 2018), la baisse vertigineuse du dinar (plus de 70% depuis 2010) et la dégradation continue de la note souveraine de la Tunisie, montrent clairement que l’économie tunisienne et les finances publiques sont en situation d’hémorragie avancée depuis plusieurs années.
Il est, donc, urgent d’arrêter cette hémorragie dans le cadre d’un programme de sauvetage qui prendrait la forme d’un PAS (Plan d’Ajustement Structurel).
Mais les parties au pouvoir, gouvernement et partis politiques, sont directement concernées par les prochaines élections.
Auront-ils le courage, l’audace et le sens de la responsabilité d’engager une véritable opération de sauvetage, au risque de nuire à leur positionnement politique ? J’en doute.
En même temps je me pose la questionne de savoir si l’économie et les finances publiques tunisiennes peuvent tenir le coup jusqu’à après les élections ? J’en doute aussi. Je pense, par conséquent, que le pays est piégé.
Quels seront les moteurs de la croissance économique pour le deuxième semestre 2019 ?
Les trois principaux moteurs de la croissance économique en Tunisie sont l’investissement, les exportations et la consommation.
Les deux premiers moteurs tournent à un régime très faible, pour ne pas dire qu’ils sont en panne. Il n’y a que le moteur de la consommation qui continue à tirer, bien que difficilement, l’économie.
Mais un pays qui consomme sans investir et sans exporter tombe fatalement dans le piège de la dette extérieure et des difficultés économiques et financières.
Comment peut-il en être autrement d’un pays qui n’investit plus, ne crée plus d’emplois et ne génère plus de croissance ? Mais il continue à s’adonner aux délices de la consommation, même s’il s’agit de produits importés.
Quelles prévisions relatives à l’inflation, au taux de change et à la balance commerciale et énergétique ?
La situation de la balance énergétique, qui fait partie de la balance commerciale, va dépendre du prix du baril sur le marché international qui est difficile à prévoir. Mais elle va dépendre aussi des mouvements sociaux (à caractère politique), tels que Kamour 2 et autres.
Il me semble que la balance énergétique va continuer à peser sur le déficit de la balance commerciale et sur celui de la balance des paiements courants.
Les principales sources de déséquilibres économiques et financiers en Tunisie sont la croissance démesurée des dépenses publiques par rapport aux performances de l’économie, et l’augmentation déraisonnable des importations.
Nous ne voyons, aujourd’hui, aucun programme sérieux de maîtrise des dépenses publiques ou des importations.
Ainsi, les raisons qui ont été à l’origine de l’inflation déstabilisatrice, du déficit sans précédent de la balance commerciale et de la détérioration du taux de change du dinar sont toujours là. Les mêmes causes devraient continuer à produire les mêmes effets.
Il faudrait, de ce fait, s’attendre pour les six prochains mois à une inflation à taux élevé, à une aggravation du déficit de la balance commerciale et à plus de baisse de la valeur du dinar.
Pour finir, le pays a clairement besoin de responsables politiques qui ont à cœur de sauver l’économie et les finances publiques, et non de privilégier leur avenir politique.