Alors que la marine libyenne venait de secourir environ 200 migrants près de ses côtes, un nouveau naufrage de bateau de migrants au large de la Tunisie a fait plusieurs dizaines de morts. Un drame, un de plus en Méditerranée. Un drame qui risque d’ouvrir une saison estivale mortifère. A défaut d’un dispositif de coopération internationale de sauvetage, c’est à nouveau des bateaux de pêche qui ont réussi à sauver quelques rescapés.
Si la responsabilité de l’Union européenne est engagée, la question migratoire se pose désormais dans un contexte politique marqué par des élections qui devraient consacrer la montée en puissance des nationalistes français et italiens. En cela, dans cette « crise migratoire » cristallisée autour du bassin méditerranéen, c’est aussi le sens du projet européen qui se perd.
Une crise migratoire qui dure
Les bilans chiffrés présentés régulièrement par le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés le confirment : loin d’être purement conjoncturelle, la crise migratoire qui s’est cristallisée sur les rives de la Méditerranée perdure, avec son lot de morts et de disparus. La dangerosité des traversées et le taux de mortalité demeurent élevés.
La traversée de la Méditerranée constitue « la route la plus mortelle du monde », selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. Pour les nouveaux damnés de la Terre, Mare nostrum qui incarnait un espace de libre circulation symbolise aujourd’hui une muraille, voire un tombeau maritime pour nombre de ceux qui, poussés par la force du désespoir, s’aventurent dans un au-delà synonyme de survie plus que d’eldorado.
Depuis ces dernières années, la majorité des migrants est en effet des réfugiés cherchant la paix et l’asile, fuyant la guerre en Syrie, la répression en Érythrée et la violence persistante en Afghanistan, en Somalie, au Nigeria, en Irak et au Soudan.
Une responsabilité européenne
L’Union européenne n’a pas de politique commune sur la question et chaque pays souhaite rester libre de mener sa propre politique, comme le prouvent les crispations et résistances après la signature du Pacte de Marrakech. Les Européens demeurent par trop prisonniers des obsessions financières, sécuritaires et identitaires.
Il n’empêche, le phénomène migratoire- qui est aussi une manifestation de la globalisation- interroge l’idée même de frontières nationales/méditerranéennes et commande une vision stratégique commune.
Au-delà des dispositifs de contrôle et de surveillance, l’incapacité européenne à apporter une réponse commune au sein d’un ensemble commun- l’Union européenne- trahit la prévalence de choix guidés par des considérations égoïstes et courtermistes qui s’avèrent contre-productives et relativement inefficaces face à la nature et à la dimension nouvelles de ces flux migratoires. L’Union européenne a ainsi fermé la route migratoire entre la Libye et l’Italie, en traitant avec un pays en guerre civile.
Ainsi, les Européens aiment à transférer le problème à des pays tiers comme la Libye, y compris en finançant et en formant les gardes-côtes libyens. Or en Libye, lorsque les migrants sont interceptés par les gardes-côtes, ce sont les portes de l’enfer qui s’ouvrent alors à eux dans des « centres d’accueil » qui ont pris la forme de véritables « camps de prisonniers », auxquels il faut ajouter le cas de sites de détention où est pratiqué le travail forcé, l’extorsion de fonds…
En pleine campagne des élections européennes, l’immigration est l’un des sujets de préoccupation principale en Europe. Pourtant, le problème mérite une vision d’ensemble, car après les migrants économiques et les réfugiés politiques, ce sont des réfugiés climatiques qui participeront à la reconfiguration de la géopolitique des migrations en Méditerranée…