Depuis l’intervention du Gouverneur de la Banque centrale devant la Commission de législation générale à l’ARP lundi dernier, la crise de la liquidité des banques fait la une de tous les sites d’information.
La crise, elle existait déjà
Le traitement de la question est digne d’une grande première, alors que c’est loin d’être le cas. Tous les indicateurs économiques montraient que cette crise existait depuis une bonne période, elle vient juste de s’aggraver. Ci-après quelques-uns de ces indicateurs.
Il y a d’abord le montant collecté par l’Etat, sous forme de BTA (bons du trésor assimilables) et de BTCT (bons du trésor à court terme), depuis le début de l’année. Sur 700 millions de dinars demandés jusqu’à la fin du mois d’avril 2019, seul 278,2 millions de dinars ont été collectés.
Pour les BTCT, la pression a été forte avec la levée de 313,7 millions de dinars. Il ne faut pas oublier que ce mois a connu le remboursement d’une ligne de BTA importante de près de 360 millions de dinars, après un succès en demi-teinte pour l’adjudication d’échange réalisée le 26 février 2019.
Il y a aussi les difficultés que les compagnies de leasing sont en train de trouver pour clôturer leurs emprunts obligataires. Le dernier exemple en date est l’emprunt obligataire d’Hannibal Lease qui n’a pu collecter que 15,5 millions de dinars sur un minimum visé de 30 millions de dinars. Cela s’ajoute aux énormes difficultés que rencontrent toutes les entreprises cotées dans le cadre des opérations d’augmentation de capital, un sujet qu’on a déjà soulevé depuis quelques semaines.
Enfin, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’encours d’actif géré par les OPCVM pour s’apercevoir qu’il a fondu en 2019, en perdant 217,3 millions de dinars en quatre mois seulement. Les entreprises sont en train d’utiliser leurs épargnes pour combler le manque de liquidité.
Un défi pour les banques
Mais comment en est-on arrivé là ? Trois principaux facteurs ont contribué à cette situation.
Primo, nous sommes en train de payer le prix des années précédentes durant lesquelles le taux d’intérêt réel était négatif. Les agents économiques faisaient un arbitrage puisque les taux d’intérêt étaient inférieurs au niveau auquel ils devraient se situer et que le dinar était plus fort que sa valeur réelle. Du coup, et avec la hausse des coûts de production, les entreprises préféraient importer au lieu de produire. Résultat : le déséquilibre que nous voyons aujourd’hui dans la balance extérieure et une utilisation massive des ressources en devises et de la liquidité.
Secundo, les entreprises publiques qui disposaient auparavant d’un matelas de liquidité qui permettait même à l’Etat d’avoir des ressources en cas de besoin, se sont transformées en demandeuses de financement. Près de 20% du refinancement assuré par la BCT est orienté vers ces entités. Sans des plans de restructuration sérieux, ce fardeau va continuer avec des conséquences encore plus graves.
Enfin, la décision de la BCT d’instaurer ce ratio Crédits/Dépôts de 120% donne désormais ses effets. Selon les indicateurs d’activité du premier trimestre 2019, l’encours de crédits des banques a baissé de 150 millions de dinars alors qu’il avait progressé de plus de 1 milliard de dinars durant la même période en 2018.
Le régulateur savait bien qu’on allait arriver à cette situation, mais il cherchait à sortir de ce cercle vicieux dans lequel le pays s’est enfermé. Les banques doivent innover pour collecter des dépôts sans compter sur le refinancement de la BCT. La crise est donc loin d’être terminée.