Une étude intitulée « Démographique maghrébine : Situation et perspective » est publiée dans le nouveau numéro des Cahiers du plan du Haut-Commissariat au Plan (HCP) du Royaume du Maroc.
HCP est un organisme chargé de la production, de l’analyse et de la publication de statistiques officielles. La nouvelle étude analyse la dynamique démographique des pays du Maghreb et les divers changements l’ayant affectée de 1980 à 2018; ainsi que leur impact sur les situations économiques et sociales.
Et cette étude permet de dresser un état des lieux de la démographie du Maghreb; tout en mettant cette situation démographique en perspective. Les nouvelles données, intéressantes en soi, ne font que confirmer des données structurelles.
Démographie du Maghreb : les nouvelles données
La population (totale des cinq pays) du Maghreb est estimée à près de 100 millions d’habitants en 2018, soit près de 1,3% de la population mondiale et 7,8% de celle de l’Afrique.
Le Maghreb devrait croître de 32 millions d’habitants d’ici à 2050 et passer ainsi à plus de 130 millions en 2050. Si cette population maghrébine est essentiellement concentrée en Algérie et au Maroc, les taux moyen d’accroissement démographique confirment une maîtrise relative de la croissance des populations dans les trois pays du Maghreb central. Une évolution qui atteste d’un mimétisme du comportement reproductif des populations des pays du Maghreb par rapport à celui des sociétés occidentales et asiatiques plus développées.
Cette évolution globale aura des conséquences en termes de besoins d’infrastructures, d’emplois et de services publics et sociaux qui sont mécaniques. Il revient aux autorités publiques de les anticiper. Pour autant, ces évolutions s’inscrivent dans des tendances structurelles déjà connues.
Des données structurelles
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la croissance démographique trahit de profonds déséquilibres. Le premier réside dans le fait que la population est mal répartie sur le territoire.
Des caractéristiques physiques, géographiques (territoires arides et désertiques à l’intérieur des terres) et économiques expliquent le double phénomène d’exode rural et d’urbanisation qui a gonflé le nombre d’habitants dans les moyennes et grandes agglomérations (bordées de bidonvilles peuplés de migrants), symbolisées par les capitales situées sur le littoral : Tripoli, Tunis, Alger, Rabat et Nouakchott.
La rive (sud) de la Méditerranée et le littoral atlantique concentrent les ressources en eau, les terres fertiles et les infrastructures (transport, communication, services publics) inhérentes au développement économique.
En conséquence, les habitants du Maghreb se massent dans les villes des zones littorales, soit une portion restreinte des territoires nationaux, et plus on s’éloigne de ces bandes littorales qui bordent la Méditerranée et l’Atlantique, plus les densités de population diminuent (une faible densité constatée dans les régions intérieures semi-arides et qui atteint son paroxysme dans le Sahara).
Après les indépendances nationales, l’explosion du taux de croissance de la population dans les années 60 et 70 succède à une transition démographique : baisse de la fécondité, recul de la mortalité (infantile en particulier) et augmentation de l’espérance de vie. Aussi, la proportion de personnes âgées croît-elle sensiblement.
Les populations du Maghreb restent néanmoins caractérisées par une très forte proportion de jeunes, de plus en plus scolarisés et diplômés. Or, ils subissent un chômage endémique et se voient offrir des emplois sous-qualifiés qui réduisent d’autant plus les chances d’insertion sociale (fonder une famille, acheter un logement, etc.). Une situation inextricable qui nourrit une immigration continue.
Le Maghreb demeure une terre d’immigration. Les différences de niveau de vie entre un habitant de la rive nord et de la rive sud de la Méditerranée sont telles que Mare Nostrum est devenue la frontière symbolique des déséquilibres Nord-Sud.
En Algérie, la paupérisation de la population autochtone du fait des spoliations coloniales et de la très forte croissance démographique entraîne l’exode rural et l’émigration dès la fin du XIXe siècle. Majoritairement Kabyles, des hommes jeunes fournissent en main-d’œuvre la métropole ; là, ils occupent des emplois non qualifiés dans l’agriculture et l’industrie. Ils participent à la reconstruction du pays après la Libération.
Les indépendances de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie n’interrompent pas le flux migratoire vers la France, au contraire. Cependant, avec le choc pétrolier en 1973 et le développement du chômage de masse, les politiques migratoires s’inversent. Un choix renforcé par des dispositifs (nationaux et européens) de lutte contre l’immigration clandestine. Leur efficacité demeurera toute relative, tant que les jeunes maghrébins (y compris les Libyens) verront dans l’Europe un Eldorado…