La pénurie de médicaments qu’a connue la Tunisie a suscité bon nombre d’interrogations.
En aggravation croissante, cette pénurie interpelle l’opinion publique. Aussi bien que les intervenants dans le domaine de la santé et des médicaments.
Ainsi, les analystes de l’agence de notation PBR Rating ont réalisé une étude. Elle répond aux multiples questionnements qui se posent. Elle s’intitule : « Le médicament en Tunisie, de l’approvisionnement à la distribution, immersion au cœur des failles et dysfonctionnements d’un système. »
Compensation de médicaments : une lourde charge
De ce fait, l’étude met la lumière sur le rôle central du système de compensation du prix des médicaments dans le déclenchement et l’aggravation de cette crise. Une problématique qui concerne principalement les médicaments importés dont le prix de vente est fixé lors de sa première importation. Car, il est établi que ce prix demeure ensuite inchangé, même en cas d’augmentation de son coût d’acquisition par la Pharmacie Centrale de Tunisie- PCT. Et ce, que ce soit en raison d’une révision des prix par le fournisseur ou d’un contexte de change défavorable.
C’est une compensation que supporte intégralement la PCT. Elle a atteint 210MDT pour l’année 2018, soit une charge additionnelle de +70MDT par rapport à 2017. Elle donc devenue insoutenable pour l’institution en question.
Un système en crise
Premier effet pervers de ce système : celui-ci alimente un marché parallèle dans les zones frontalières avec l’Algérie et la Libye. Dans ces zones, des niveaux de consommation atypiques sont régulièrement enregistrés sur des médicaments fortement compensés.
Puis, le secteur hospitalier public est un autre facteur qui a fortement contribué à cette crise. En effet, il ne bénéficie pas des prix compensés. Les médicaments lui sont ainsi facturés à des prix reflétant la réalité des coûts d’achat et de distribution.
Si les prix ne génèrent pas de charges de compensation pour la PCT, l’insolvabilité actuelle de la filière publique, contribue principalement à alimenter le Compte Client de la PCT.
Les conséquences de l’ensemble de ces facteurs ne se font pas attendre. Avec l’accroissement du poids de la compensation, fortement corrélé à la dépréciation du Dinar par rapport à l’Euro, la rentabilité opérationnelle de la PCT se dégrade d’année en année.
A 3.3% en 2017, la marge brute dégagée par l’activité s’effondre à 41MDT. L’EBITDA demeure légèrement positif à 9.7MDT, soit 0.8% du chiffre d’affaires. Ce sont des pertes de changes de 162MDT en 2017 qui précipitent le résultat en territoire fortement négatif : -145MDT Résultat net 2017 ; un record historique.
Et fin 2018, les impayés issus du secteur public atteignent 920MDT, soit 1 an et 4 mois du chiffre d’affaires du secteur public. Ainsi, la moitié de ces impayés proviennent des structures hospitalières publiques, l’autre des caisses d’assurances sociales et de la CNAM.
Solutions urgentes insuffisantes
Devant l’ampleur et la gravité d’une telle situation, des mesures urgences ont été déployées. D’abord par la mise en place de mécanismes de remboursement régulier de la CNAM (20MDT/mois) et du secteur hospitalier.
Ensuite, la PCT a eu accès à des lignes de financement de l’ordre de 400MDT auprès d’un pool bancaire. Des mesures qui ont été perçues par les fournisseurs étrangers comme une amélioration de la visibilité sur l’évolution de la solvabilité de la PCT; permettant une reprise progressive des approvisionnements.
Ces mesures ont permis d’enregistrer une nette amélioration. Le rétablissement de la situation des impayés de la PCT vis-à-vis de ses fournisseurs est annoncé pour le troisième trimestre de l’année 2019.
Cependant, la pénurie de médicaments, sans précédent en Tunisie, qui est allée jusqu’à toucher un grand nombre de médicaments vitaux, a suscité le désarroi de tout un pays.
Des solutions urgentes ont été trouvées et appliquées permettant d’éviter de près une véritable catastrophe sanitaire.
Mais, cela reste insuffisant, car il est crucial de mettre en place rapidement des mécanismes structurels qui garantissent la solvabilité de la PCT à long terme et permettent d’éviter que cette situation ne se reproduise encore à l’avenir.