Le 14 mai, les rebelles houthis ont revendiqué une attaque contre l’Arabie saoudite effectuée avec des drones. L’attaque visait deux stations de pompage d’un oléoduc reliant l’est à l’ouest du royaume saoudien.
Deux jours plus tôt, le 12 mai, quatre navires ont été sabotés au large des Émirats arabes unis, à l’entrée du Golfe : deux pétroliers saoudiens, un navire norvégien et un cargo émirati. Le mystère plane toujours sur cette attaque non revendiquée jusqu’à ce jour.
C’en était trop pour le royaume wahhabite qui a convoqué deux sommets d’urgence en même temps, un sommet arabe et un sommet de six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui se sont tenus le jeudi 30 mai. A ces deux événements, s’ajoute le sommet ordinaire de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui s’est tenu le vendredi 31 mai.
La forte mobilisation arabe et islamique au niveau du CCG, de la Ligue arabe et de l’OCI vise un seul objectif : accentuer la pression sur l’Iran et l’obliger à réduire son influence dans le monde arabe, en particulier dans les trois pays les plus concernés par les interférences iraniennes : le Liban, la Syrie et le Yémen.
Le roi Salmane a donné le ton dès l’ouverture du sommet arabe d’urgence : « les capacités nucléaires et balistiques de l’Iran menacent la sécurité régionale et mondiale et la communauté internationale doit prendre des mesures pour éviter une escalade. Les actes de Téhéran ont menacé le commerce maritime international et le marché pétrolier en violation manifeste des traités de l’Onu. L’absence d’une position ferme face aux actions subversives du régime iranien dans la région a poussé celui-ci à aller trop loin, comme nous le constatons aujourd’hui. »
Les deux communiqués finaux du sommet arabe et du sommet du CCG n’ont parlé de rien d’autre que de l’Iran à qui ils font assumer la responsabilité des deux attaques susmentionnées et, d’une façon générale, de la détérioration de la sécurité dans la région.
Si le communiqué du sommet du CCG a été adopté à l’unanimité, y compris le Qatar qui a été invité et s’est fait représenter par son premier ministre Abdallah Ben Nacer Al Thani, il n’en est pas de même du communiqué final de la Ligue arabe. Le président irakien a pris une position différente du reste de ses homologues arabes en exprimant des réserves quant au contenu du communiqué final.
Dans son intervention, le président irakien Barham Saleh a affirmé : « nous avons besoin de réduire la tension dans la région. Nous avons besoin de la paix. Nous ne devons pas menacer la sécurité de l’Iran, car sa sécurité est liée à celle de ses voisins. Nous constatons que la région avance vers la guerre et l’Irak souhaite donner une place importante à la diplomatie. »
Le bémol irakien ne devait pas être du goût des Saoudiens qui désirent ardemment une unanimité arabe et internationale contre l’Iran.
La position irakienne est parfaitement compréhensible. Cela va faire près de 40 ans que l’Irak n’a rien connu d’autre que la guerre et les atteintes à sa sécurité et à sa souveraineté : 1980, une guerre dévastatrice avec l’Iran qui a duré huit ans ; 1991, une guerre destructrice avec les Etats-Unis suite à l’invasion du Koweit ; 2003 la guerre de Bush fils catastrophique aussi bien pour l’Irak que pour les Etats-Unis, sans parler des ravages indescriptibles causés par les organisations terroristes Al Qaida et Daech…
Mais à peine l’Irak a-t-il commencé à panser ses blessures que le spectre d’une guerre autrement plus dévastatrice se profile à l’horizon entre les Etats-Unis et ses alliés d’une part et l’Iran d’autre part, une guerre dans laquelle l’Irak serait forcément mêlé, si par malheur elle se déclenchait. Le président irakien a parfaitement raison de faire part de ses inquiétudes et d’appeler à donner sa chance à la diplomatie.
L’Irak a d’autant plus raison de s’inquiéter que John Bolton, le conseiller de Trump, ne perd pas l’espoir de voir son pays engagé dans une guerre avec l’Iran. Le jour même de la tenue des sommets d’urgence à la Mecque, Bolton se trouvait aux Emirats Arabes Unis pour les « rassurer » que les Etats-Unis sont en possession des « preuves » de l’implication de l’Iran dans les attaques du 12 mai contre les quatre navires qui voguaient au large des Emirats.
Dans le même temps, son alter ego, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, l’autre boutefeu de l’administration Trump, jurait ses grands dieux devant les journalistes que l’Iran était derrière les attaques du 12 et du 14 mai et que son but était de « faire monter le prix du pétrole. »
La question qui se pose est pourquoi le président américain, qui vient d’annoncer qu’il ne cherche pas à renverser le régime iranien, laisse-t-il la bride sur le cou à ses deux collaborateurs qui, eux, ne cessent de jeter de l’huile sur le feu dans une région hautement inflammable dans le but évident de changer la nature du système politique instauré par Khomeiny en 1979 ?
La réponse est à chercher dans les tiraillements qui déchirent l’establishment washingtonien et qui mettent face à face les va-t-en-guerre et ceux qui tentent désespérément de mettre un terme aux interminables et violentes ingérences des Etats-Unis dans le monde musulman.