Comment la démocratie est-elle perçue huit ans après le 14 janvier ? Faouzi Ben Abderrahman, ancien ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, dresse un état des lieux.
Il précise que la démocratie impose un dialogue vrai, ouvert et que la majorité des Tunisiens sont mécontents du paysage politique, tout en soulignant que l’ère du populisme est en train de se répandre à tous les niveaux. “Certains populistes se considèrent comme étant l’antisystème et ne comprennent même pas ce qu’est le populisme ”, dit-il.
Et de poursuivre: « Mais ce qui est tout de même invraisemblable est la nostalgie du retour à l’ancien régime pour certains ».
Mais que faut-il comprendre de cette nostalgie de Ben Ali? A cette interrogation, M. Ben Abderrahman répond que du temps de Ben Ali, la société est une société « en photoshop » en quelque sorte où on ne montrait pas la réalité. Le taux de pauvreté était en hausse également mais tout était orchestré pour que ce ne soit pas perceptible ».
Faouzi Ben Abderrahman: « Tous les dirigeants ont toujours eu cette soif d’accéder au pouvoir par tous les moyens »
Mais plus encore sur le plan politique, l’ère Ben Ali n’a pas permis à une nouvelle classe politique d’émerger. Il souligne dans ce contexte: « Les dirigeants du Monde arabe sont connus pour être très attachés au pouvoir. La preuve, le débat politique est resté le même. A savoir un débat de lutte pour le pouvoir alors que nous aimerions avoir un débat basé sur un programme contre programme ».
Il ajoute: « La démocratie ne fait pas venir les meilleurs au pouvoir. Pourquoi ? Parce que dans des pays comme le nôtre, il n’existe pas d’institution qui veille à ce qu’il y ait une éthique politique. D’ailleurs, un des exemples concrets est l’absence de la Cour Constitutionnelle alors qu’elle aurait dû voir le jour il y a plus de quatre ans. Et la liste est longue ».
Le Maghreb uni, ce n’est pas un choix mais une nécessité
Selon lui, au-delà du fait du paysage politique fragile, le problème de la Tunisie est d’ordre socio-économique. Il affirme que la déstructuration sociale aura de lourdes conséquences.
Faouzi Ben Abderrahaman ajoute en conclusion: » Et si nous ne faisons pas l’effort de surmonter les obstacles, il n’y aura aucun projet pour la Tunisie ni pour le futur du pays ni pour sa jeunesse. Et c’est à nous prévoir des programmes contre des programmes. C’est ce qui sauvera le pays. Dans un monde nouveau qui s’annonce avec l’émergence de nouvelles forces économiques et le déclin (non accepté) de forces traditionnelles, de nouveaux équilibres vont naître dans la douleur. Dans ce nouveau monde drivé par la technologie, l’industrie et l’intelligence artificielle on sera appelé à trouver le moyen de ne pas disparaître. L’enjeu est culturel et civilisationnel. Le Maghreb uni ce n’est pas un choix, mais plutôt une nécessité… »