On a souvent tendance à dire, ce qui est vrai dans une très large mesure, que les Américains se contrefichent des désastres provoqués dans le monde par la politique étrangère de leur pays et l’aventurisme militaire agressif de leurs dirigeants.
En effet, on reste pantois face à l’extraordinaire indifférence manifestée Outre-Atlantique par l’écrasante majorité de la population américaine en dépit de la gravité de l’addiction de leur pays à la guerre. Une addiction qui remonte bien loin, jusqu’à la naissance même des Etats-Unis, le 4 juillet 1776.
Selon le philosophe français Michel Serres, décédé il y a quelques jours, « dans l’étape historique qui va de la naissance de la République américaine jusqu’à l’année 1900, les Etats-Unis ont été 94% du temps en guerre ».
Il faut remarquer ici que cette terrifiante statistique n’inclut ni les deux guerres mondiales (14-18 et 39-45), ni la guerre de Corée, ni la guerre du Vietnam, ni les guerres du Moyen-Orient, ni les incursions militaires sanglantes en Amérique latine et en Afrique ! Ces données nous éclairent sur le concept de « guerre perpétuelle » qui, selon des historiens et des analystes américains et étrangers, caractérisent la politique étrangère américaine.
Double addiction à la guerre
Cette addiction plus que bicentenaire à la guerre se trouve doublée d’une autre qui a fait son apparition à la fin de la deuxième guerre mondiale et que le journaliste américain Thomas Knapp appelle « l’addiction à vouloir diriger le monde ».
Cette deuxième addiction qui découle de la première a coûté jusqu’à présent des trillions de dollars, des centaines de milliers de morts américains et des millions de morts dans le monde dont une majorité dans les pays arabes et musulmans.
Il a été largement prouvé que le citoyen américain ordinaire se soucie comme d’une guigne que des dizaines de millions de civils innocents soient massacrés par la machine de guerre de leur pays.
Même si les victimes américaines se comptent en dizaines de millions et les pertes financières en trillions de dollars, il a été largement prouvé aussi que le citoyen ordinaire rechigne à sortir dans la rue pour crier « STOP ». Parce que, tout simplement, il n’est pas touché directement dans son train de vie ou dans son portefeuille.
Soucieux de la nécessité de maintenir dans la torpeur et dans l’indifférence, les citoyens américains, leurs dirigeants ont, depuis des années, recours à l’endettement pour financer leurs guerres perpétuelles et ce, en vendant des bons de trésor à la Chine, au Japon, à la Corée du sud, aux pétromonarchies…
En d’autres termes, l’addiction à la guerre perpétuelle est financée par le recours à l’endettement plutôt que par l’imposition du contribuable. Cette manœuvre, si l’on peut dire a fait que les Etats-Unis occupent la première place au classement des pays endettés avec une dette publique qui s’élève à plus de 20 trillions de dollars, soit près de soixante-cinq mille dollars par tête d’habitant !
Si ce n’est pas lui, c’est donc son descendant
Supposons qu’il y ait un jour un gouvernement à Washington qui, pour des considérations de dignité et d’honneur national, décide de régler sans tarder rubis sur l’ongle la totalité de cette faramineuse dette publique en exigeant que tout citoyen débourse 65 000 dollars. Le pays serait sans doute mis à feu et à sang et tous les présidents qui ont contribué au maintien de l’Amérique en état de guerre perpétuelle seront l’objet de la vindicte populaire : les morts seront maudits et les vivants traînés en justice…
Le citoyen américain, tel qu’on le voit aujourd’hui, s’en fout donc entièrement de ce qui se passe dans le reste du monde, se contrebalance des conséquences de la guerre perpétuelle tant que ce n’est pas lui qui la finance… Mais si ce n’est pas lui, c’est donc son descendant qui n’est pas encore né.
Pour ne pas alourdir encore cette dette sans précédent, pour ne pas léguer aux générations futures un fardeau plus lourd qu’elles ne peuvent supporter, le journaliste Thomas Knapp a concocté un plan en quatre étapes censé aller au fond du problème et qui, s’il était appliqué, changerait la face de l’Amérique et du monde.
Quatre étapes
« Premièrement, les États-Unis devraient fermer leurs bases militaires à l’étranger et retirer leurs troupes des pays dans lesquels ils opèrent actuellement.
Deuxièmement, les États-Unis devraient mettre fin aux sanctions économiques visant tous les pays qu’ils intimident actuellement. Ils doivent leur accorder une reconnaissance diplomatique totale ainsi que des privilèges commerciaux.
Troisièmement, les États-Unis devraient mettre fin à toute aide étrangère, en particulier militaire.
Enfin, quatrièmement, les États-Unis devraient réduire considérablement leur budget dit de « défense » à des niveaux compatibles avec la défense réelle. »
En attendant la concrétisation des quatre étapes de son plan, Thomas Knapp suggère que les Etats-Unis commencent déjà par laisser les Palestiniens et les Israéliens régler leurs problèmes en tête-à-tête; cesser de s’immiscer dans les relations irano-saoudiennes; arrêter de prétendre que la Corée du Nord constitue une menace pour les États-Unis; laisser les Vénézuéliens, les Syriens et les Libyens décider qui dirigera le Venezuela, la Syrie et la Libye.
On peut compter sur l’aide de la Chine et la Russie pour accompagner l’Amérique dans la concrétisation de ce plan et pour la prendre en charge dans l’indispensable cure de désintoxication qui la libérera de son addiction à la guerre perpétuelle et de son addiction à vouloir diriger le monde.