Nabil Karoui et Abir Moussi, que l’on qualifie de populistes, le sont-ils réellement ? Supposons que cela soit le cas. Ne pouvons-nous pas dire que leur émergence, et, sans doute, succès est dû au fait que les mouvements et partis associés à l’exercice du pouvoir depuis 2011 ont raté le coche ?
Beaucoup d’échos évoquent ces derniers jours une réelle crainte. Certains diront une panique, dans les états-majors politiques. Du fait évidemment des résultats qu’obtiendraient des candidats dits populistes dans les sondages.
Signe évident de cette réalité : le message adressé, le 2 juin, à Béja, par le Cheick Rached Ghanouchi, président du Mouvement Ennahdha, que l’on dit assuré d’obtenir le premier rang dans les prochaines échéances électorales de l’automne, aux électeurs afin de ne pas voter pour « les populistes qui émergent de façon inattendue et exploitent la pauvreté des gens ».
Sera-t-il entendu ? Quoi qu’il en soit, il faudra tempérer cet appel qui, s’il a ses raisons d’être et son explication, doit être analysé en fonction de l’actualité. Mais aussi, comme on dit souvent, de la logique des choses.
Attendons les programmes
Deux éléments doivent être évoqués à ce niveau. D’abord qui dit que Nabil Karoui, qu’il vise sans doute en premier, ou encore Abir Moussi que l’on classe dans la case des populistes, le sont réellement ?
Si ces deux derniers peuvent être supposés populistes du fait de leurs faits et gestes, de leur manière de discourir, donc d’argumenter et d’avancer d’une manière plus générale certains thèmes, ils peuvent ne pas l’être. Attendons les programmes pour dire si ces deux derniers, par exemple, sont réellement populistes.
Les spécialistes des sciences politiques, de l’analyse de contenu et du discours ont assez de grilles de lecture pour confirmer ou infirmer ce que nous croyons souvent être vrai.
En effet, comme pour toute discipline, ces derniers ont assez de savoirs fondés sur des études, des ouvrages et articles scientifiques comme des études de cas pour séparer, pour ainsi dire, le bon grain de l’ivraie.
Et puis que veut dire être populiste dans le contexte tunisien ? En clair, les dogmes, empruntés à la pratique politique occidentale, nord-américaine et européenne, seraient-ils scientifiques, sont-ils valables orbi et urbi ? Populiste, est-ce donc être souverainiste ? Caresser les électeurs dans le sens du poil ? Avancer avec des « Il n’y a qu’à » sans prendre en compte la réalité ? Parler au cœur et non à la raison ?
Et les Wifi gratuits des municipales de mai 2018 ?
Nombre de candidats y compris parmi ceux que l’on classe comme démocrates ne seraient pas bien loin de ces qualificatifs. Prenons les promesses non tenues, qui ne les faits pas ? A-t-on vite oublié les 400 000 emplois à créer qui ont émaillé le discours électoral d’un parti aujourd’hui au pouvoir en 2011 ? Et les wifi gratuits des municipales de mai 2018 ?
Ensuite, et sans doute, plus important encore, si ces personnes ou mouvements populistes ont le vent en poupe n’est-ce pas parce que les électeurs sont déçus par les politiques mises en place depuis 2011. Existe-t-il quelqu’un en Tunisie pour dire que la Tunisie d’aujourd’hui se porte bien mieux que celle de 2011 ?
Pourquoi se voiler la face. Il suffit d’interroger le Tunisien lambda pour s’en convaincre. Ou encore d’interroger les chiffres relatifs à la situation économique dans le pays. Il y a certes un meilleur– bien meilleur- vécu au niveau des libertés. Mais, ne vit-on que de libertés fondamentales et de droits de l’homme ?
Est-ce donc défendre ces prétendus populistes que de dire que, comme partout ailleurs, les mouvements et partis du système dont une bonne partie a été associée au pouvoir depuis 2011 ont bien raté le coche ?
Un proverbe bien connu dit bien : « Qui sème le vent récolte la tempête » !