Lotfi Hamadi a été le premier à alerter sur les conditions de vie au sein des internats en Tunisie. Ces élèves étaient dépourvus des besoins les plus élémentaires.
En voyant l’inaction de l’Etat tunisien, il a décidé avec ses amis d’agir en lançant le mouvement Wallah we Can.
Cette association oeuvre pour garantir, de façon durable, une solution pour améliorer la vie au sein des établissements scolaires. Leur slogan : “Investir dans l’Enfance, par l’Education, pour le développement humain et économique du pays »
Rencontre avec un homme de cœur, passionné par son métier et par son pays natal La Tunisie.
-Lotfi Hamadi, quand est ce que votre combat pour faire de l’Enfance une cause nationale a débuté?
Mon engagement pour l’Enfance a commencé en 2012 alors que j’étais à la recherche d’un établissement scolaire tunisien susceptible de participer à un jumelage avec une école française. En découvrant l’état de vétusté de l’internat public de Makthar, je suis resté des jours choqué par l’état des bâtiments et des installations.
J’étais bouleversé par la réalité de notre enfance maltraitée. Je ne comprenais pas pourquoi les enfants vivaient dans ces conditions inhumaines alors que notre culture sacralise la famille. Le mot famille garde t-il le même sens alors que les enfants sont privés de l’ accès à la Santé, à l’Education et aux droits les plus fondamentaux» ?
-D’après vous, comment nous en sommes arrivés là ?
-D’après vous, comment nous en sommes arrivés là ?
Cette situation est due à la façon dont nous traitons nos enfants. En effet, nous ne les considérons pas comme des personnes à part entière. Pourtant, le devoir de l’Etat et de la société est de leur garantir un environnement propice à leur réussite et leur épanouissement, Sans cet environnement, ils risquent de devenir des adultes sans éducation, sans culture, frustrés et passifs.
-Que préconisez-vous comme solutions?
Nous devons en finir avec la culture patriarcale. Une culture qui laisse croire qu’un adulte est plus respectable qu’un jeune, juste parce qu’il est plus âgé. C’est cette médiocratie qui empêche la méritocratie de s’enraciner, qui justifie qu’on ne traite pas les enfants et les jeunes à leur juste valeur.
La valeur d’une personne n’attend pas le nombre des années, elle ne de dépend pas d’où nous venons,, de nos origines sociales , de notre sexe ou de nos diplômes. Elle dépend de nos actions, de nos succès et de notre résistance face aux obstacles et aux déceptions.
C’est la raison pour laquelle nous devons donner aux enfants la place qu’ils méritent dans la communauté, les placer au cœur des préoccupations de l’Etat et de la société civile. Il nous faut investir dans l’enfance en éduquant dés le plus jeune âge les élèves à la culture humaniste, aux cultures entrepreneuriale et écologique mais surtout à la culture de l’effort.
Si nous le faisons, nous aurons cette prochaine génération plus audacieuse, plus déterminée, plus cultivée et meilleure gestionnaire parce qu’elle évoluera avec la compréhension que rien ne s’hérite mais que tout s’acquière par le travail.
C’est grâce à ces bagages intellectuels et culturels qu’on aura enfin cette génération responsable qui comprendra que la démocratie c’est certes la jouissance de droits particuliers mais c’est aussi des devoirs vis-à-vis de la communauté.
-Quels sont vos moyens pour y arriver ?
A Wallah We Can, nous travaillons dur, patiemment, pour trouver des solutions économiques, écologiques et durables afin de transformer les établissements scolaires en entreprises sociales qui produisent leur propre énergie et alimentation, qui créent de la richesse.
Les économies réalisées ainsi seront consacrées à l’entretien des établissements, l’acquisition du matériel pédagogique et le financement des clubs extra scolaires (clubs entrepreneuriat, robotique, sportif, environnemental, citoyen, Santé …).
Pour plus d’infos, notre chaine youtube, notre compte facebook ainsi que notre site internet www.wallahwecan.org vous donneront de plus amples informations.
Quelles sont les réalisations de Wallah We can ?
Tout d’abord, nous avons démontré qu’il était possible de transformer un établissement scolaire en entreprise sociale qui produit sa propre énergie et alimentation.
Ensuite, grâce aux étudiants de l’ENAU, l’INAT et l’ENIT nous avons réalisé le projet de construction à Sijoumi d’une école durable et d’un centre de formation. Le centre de formation aura pour mission de former les chômeurs des environs afin qu’ils deviennent les artisans du bâtiment.D’ailleurs leur première mission est la construction de l’école avec des matériaux écologiques.
De plus, Wallah we Can produit depuis quelques années sur commande des serviettes hygiéniques lavables Ecolibree pour réduire la précarité menstruelle en Tunisie.
Nous avons la prétention de vouloir changer les choses et la modestie de toujours demander aux professionnels de juger nos projets afin de savoir si nous sommes dans la bonne voie. Quand ce n’est pas le cas nous reprenons tout à zéro car l’important pour Wallah We Can c’est l’efficience et le résultat.
Quelles sont vos projets dans les prochains mois?
Nous avons 3 projets en cours, le premier est le développement d’une plateforme de e-learning “Wallah We learn” afin de démocratiser le soutien scolaire.
Le deuxième est la création d’un centre d’accueil pour les enfants victimes de violences physiques et sexuelles à Hammam lif avec le soutien du Ministère de la Famille.
Nous préparons un plaidoyer destiné aux autres associations tunisiennes afin de les convaincre de l’utilité d’avoir en Tunisie un » label Transparence et Bonne Gouvernance » pour les associations.
Pour Conclure, quel est votre message pour les tunisiens?
J’ai un amour inconditionnel pour mon pays et je voudrais que nous unissions nos forces pour bâtir une meilleure Tunisie.
Mais cela tout le monde le dit, rien de plus facile que de débiter des banalités patriotiques.
J’aimerais plutôt partager le message de la prise de conscience. Que chacun s’engage à faire sa part pour le développement du pays. Non pas verbalement, sur les réseaux sociaux mais sur le terrain, par des projets qui auront un réel impact.
Au sein de notre internat pilote les élèves ont écrit en très grand sur un mur : « dites à l’avenir que nous arrivons ! » A nous de les préparer à y arriver !