Contrairement à l’année dernière, durant laquelle la Tunisie a retardé à maintes reprises son émission de dettes libellées en euro, le choix était de sortir trois mois plus tôt en 2019. Les résultats s’avèrent plutôt bons: un nouvel Eurobond de 700 millions d’euros, un coupon de 6,375% et une maturité de 7 ans.
Par rapport aux derniers Eurobonds, la Tunisie semble récupérer progressivement la confiance des institutionnels étrangers. Le montant offert était de 2,2 milliards d’euros, soit 3,1 fois la somme demandée. Alors que deux ans auparavant, le pays comptait lever 1 milliard d’euros et s’est retrouvé seulement avec 850 millions faute de souscriptions. L’année dernière, 120 institutions ont souscrit pour un montant de 1,1 milliard d’euros. Cette année, la demande est passée du simple au double. La Tunisie est donc en train de remonter la pente, bien que notre notation soit toujours spéculative. Cela montre aussi à quel point l’avis du FMI pèse. L’importance n’est pas seulement dans le montant de chaque tranche, mais plutôt dans l’appréciation du risque souverain par les investisseurs qui acceptent de parier sur le pays.
Assurément, le travail fourni au niveau des roadshows par les responsables tunisiens et par les banques qui ont mené l’opération a pu convaincre les investisseurs de la résilience économique du pays. En définitive, la Tunisie est un bon risque à prendre car le pays n’a jamais retardé le remboursement d’une dette et a toujours honoré ses engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. Si la proposition de certains politiciens de suspendre le remboursement de nos dettes avait été retenue, aujourd’hui nous serions dans de beaux draps.
Toutefois, il faut relativiser ce succès car au mois d’avril, les Egyptiens ont levé 2 milliards d’euros avec une demande de l’ordre de 9 milliards. Le chemin est donc encore long.
Eurobond: un spread élevé
Bien évidemment, le contexte déprimant des taux en Europe a contribué au succès de cette émission d’Eurobond. Un placement avec un tel rendement est une bonne affaire. Le taux de référence de cette sortie est le midswap EUR 7 ans. Pour rappel, un swap de taux représente le rapport entre les intérêts d’un prêt à taux fixe par rapport à un taux variable, lors d’un contrat d’échange de flux financiers entre deux contreparties, pour un montant et une durée identiques. Le taux midswap représente ainsi le taux moyen de toutes ces opérations d’échange.
Etant donné qu’au moment de l’émission, le coupon de référence est négatif de -0.07%, le spread réel de la Tunisie est de 657 points de base. C’est énorme. Avec le même taux, l’Egypte a réussi à lever 1,25 milliard d’euros sur une maturité de 12 ans trois mois auparavant. L’année dernière, le spread était de 652 points de base. En 2017, le coupon était de 5,625%, soit un spread de 535 points de base. Donc en réalité, notre risque ne cesse d’augmenter, sachant que cette période a été marquée par un rétrécissement des écarts sur les places européennes, suite au retour de la confiance sur l’Italie.
Une maturité en ligne avec l’encours actuel de la dette
Le dernier point à discuter est la maturité. Par rapport à la moyenne de notre dette extérieure, une durée de 7 ans n’est pas une nouveauté. Selon les chiffres de Moody’s, la maturité de la dette externe tunisienne est de 7,1 ans avec un coût effectif de 2,4%.
En réalité, nous avons besoin de maturités plus longues pour alléger davantage la pression sur notre trésorerie. Certainement, le choix de cette durée de vie de l’émission de l’Eurobond n’est pas le fruit du hasard, mais en fonction des besoins de l’Etat et sa capacité de remboursement. Comme nous l’avons fait durant les dernières années pour la dette interne, avec des lignes allant jusqu’à 2032, il convient maintenant de faire la même chose avec notre exposition externe. Cela ne peut venir que progressivement, et selon les conditions du marché.