Lors de son audition, hier, devant la commission des finances de l’ARP, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a été, de nouveau, très clair dans ses propos et dans ses orientations en matière de politique monétaire. Cette dernière commence déjà à donner des résultats encourageants et est censée doper, progressivement, le rythme de récupération du cash qui finance l’économie souterraine.
La surprise était avec les estimations avancées par le gouverneur de la BCT du volume de cette liquidité : entre 10 et 15 milliards de dinars. Par rapport à un PIB de quelques 105 milliards de dinars, nous sommes à plus de 10%. Rappelons que quelques mois auparavant, le gouverneur de la BCT avait évalué les montants hors circuit légal dans la fourchette de 3 à 4 milliards de dinars. Une contradiction ? Non.
En fait, Marouane El Abassi a dit que parmi ces 10 à 15 milliards, il y a « 3 milliards en dinars ». En d’autres termes, le reste du montant serait en devises, ce qui avoisinerait 50% de nos réserves actuelles ! On serait donc sur un trésor de guerre qui échappe au contrôle des autorités monétaires.
Récupérer ce flux important, constitué sur de longues années, n’est pas une mission facile. Beaucoup proposent de changer les billets avec l’imposition de délais courts pour un échange exclusif via des comptes bancaires. L’objectif serait de pousser ces individus à ouvrir leurs coffres-forts. Cette technique présente des risques inflationnistes majeurs et l’expérience indienne l’a déjà montré. Les responsables tunisiens ont choisi une autre technique, plus lente, mais qui tient compte d’autres aspects économiques.
Le rôle de la politique monétaire
Bien évidemment, dans un pays où l’inflation est sur une courbe ascendante, partir dans ce sens aurait été, à notre avis, une erreur. Mais cela n’empêche que le non-contrôle d’une telle masse monétaire est également problématique.
Le choix était donc de mener une politique multifactorielle. D’une part, il y a eu une refonte des systèmes d’information de l’administration fiscale avec un cadre réglementaire de plus en plus contraignant. Aujourd’hui, et avec l’entrée en vigueur des restrictions sur l’utilisation du cash, transformer une liquidité stockée en un actif est quasiment impossible.
D’autre part, la politique monétaire a fait que les taux de rémunération des placements sont plus que jamais alléchants. Un taux net à deux chiffres est quasiment garanti pour les gros montants, ce qui a permis de récupérer une partie de ces fonds. La légère reprise du dinar a également poussé certains à convertir les devises en dinars.
Mais ce rythme de progression reste très loin des ambitions. Si nous voulons récupérer l’essentiel de ces montants, il faudra accélérer la cadence et mettre en place de nouvelles restrictions réglementaires. Les traqueurs des capitaux peuvent aussi compter sur le croisement des informations issues de différentes bases de données pour mieux cerner les failles.
Le chemin est donc encore long. Mais en même temps, il faut se dire qu’on ne pourra jamais éliminer totalement cette économie parallèle. Dans toutes les économies, il y a une partie qui échappe au contrôle et qui joue un rôle important dans la régulation des prix.