Tout être humain se laisse guider par ses sentiments face à la maladie ou la souffrance d’autrui, quel que soit le rang de la personne concernée. Qui n’a pas éprouvé de la compassion en apprenant le « grave malaise » du Président de la République ?
Même ceux qui sont bien édifiés sur la trajectoire de l’homme politique, ou désavouent sa manière d’exercer les prérogatives du Président de la République et lui reprochent ses fourvoiements, font la part des choses et se sont comportés avec civilité lorsqu’il était à l’Hôpital militaire.
Ces péripéties estivales, sous les effets assommants d’un sirocco impitoyable, nous ont rappelé aussi que la vie politique tunisienne obéit à de sacrés retournements de situation et à un protocole excentrique, privilégiant toutes les formes de flagornerie. Et ce, en allant jusqu’à l’adulation, comme à toutes sortes de reniements calculés.
Pour quelques-uns de ces encenseurs, le Président de la République serait tout d’un coup devenu « le sauveur de la Tunisie ». Et ce, du fait qu’il n’a pas signé la loi organique portant sur la révision du code électoral, dévoilant l’une des multiples failles de la Constitution. Rien moins que cela ! Cela ne peut être évidemment qu’une boutade. Car, il ne faut pas confondre entre l’élan du cœur tout à fait naturel et spontané envers quelqu’un qui tombe malade et ses actes, surprenant certes le microcosme politique, lorsqu’il se rétablit.
D’un autre côté, tout observateur impartial ne peut qu’éprouver à la fois de la stupeur et de l’aversion face aux revirements des uns ou au zèle équivoque de formations politiques et de certains personnages publics pour pontifier sur l’exigence d’une application à la lettre d’une Constitution malmenée en fait depuis sa promulgation. A travers des interprétations aussi alambiquées qu’orientées. C’est sidérant ! Nous savions depuis le début que cette Constitution « la meilleure du monde » est à l’instar d’une auberge espagnole, où on ne trouve que ce qu’on y a apporté !
Quand on examine ce qui surnage en surface et qu’on discerne, par acquis empirique, les dessous des apartés et des conciliabules derrière les tentures, il faut vraiment être quelque peu exalté pour oser parler de « sauveur », accolé à un personnage qui triture.
« La réponse du berger à la bergère »
Depuis quelques mois, les hostilités sont ouvertes entre ceux qui étaient complices par la grâce du consentement, du consensus ou de l’entente, bref du fameux « taouafeq ». Le combat alterne entre fleuret moucheté et grosse artillerie. Sans dramatiser ni minimiser, le dernier coup asséné par le Président de la République est à cataloguer dans ce qu’on peut appeler « la réponse du berger à la bergère », formule usitée pour qualifier un acte qui répond à une attaque antérieure d’un adversaire.
N’allons pas jusqu’à lui attribuer des intentions éloignées de l’intérêt général. Comme n’hésite pas à le faire le porte-parole du Front populaire qui estime : « Il s’agit d’un règlement de comptes relatif à son différend avec la Kasbah. Et n’est nullement motivée par la protection de l’intérêt général ni par son rejet de la logique de l’exclusion ».
Quant à son ancien coéquipier du « taouafeq », il annonce dans une déclaration rendue publique, le 20 juillet, que « le mouvement Ennahdha s’est dit préoccupé par la non signature des amendements relatifs à la loi organique portant organisation des partis politiques. Tout en appelant les blocs parlementaires et les partis politiques à se réunir en urgence et à se concerter pour remédier à cette situation ». Et le vaudeville ridicule va continuer, hélas !
A ceux qui seraient atteints du syndrome de Stockholm, pour désigner comme « sauveur » celui dont l’exploit se résume au refus de signer la loi organique portant sur la révision du code électoral, un bref rappel pourrait rafraîchir les mémoires ramollies par la chaleur estivale.
Les « dés ont été pipés » depuis la rencontre parisienne
Les « dés ont été pipés » depuis la rencontre parisienne du mois d’août 2013. Elle marqua le tournant fatal pour le pays, pendant que l’ANC « tramait » la nouvelle Constitution et concoctait dans sa version du 22 avril 2013 l’article 72 comme suit : « La candidature à la présidence de la République est un droit pour toute électrice et pour tout électeur jouissant de la nationalité tunisienne seule, par la naissance et exclusivement, de religion musulmane et âgé, le jour de dépôt de sa candidature, de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus ».
Juste après cette malheureuse rencontre, la limite d’âge des présidentiables a été supprimée par la commission des « consensus » au sein de l’ANC ! Ce qui a été concédé en échange par le candidat est aujourd’hui parfaitement évident. Il est le produit de ce qui est devenu une formule rebattue, à savoir le prétendu « consensus » et toutes ses retombées incalculables !
L’autre facette de la tromperie a été l’irruption de ceux qui « craindraient Dieu ». Ils ont en fait « kidnappé » l’Islam et ont abusé les électeurs en perpétrant par la suite toutes les formes de turpitudes. Et ce, en passant de la troïka prédatrice au consensus-collusion. Deux scrutins suivirent, ils étaient présumés ouvrir dans la durée un cycle de stabilisation des institutions et par voie de conséquence du pays, après les déprédations causées par la « troïka » de triste mémoire.
Il nous faut reconnaître à présent que Béji Caid Essebsi a réussi à échouer lamentablement. Le piège s’est refermé sur lui et sur le pays entier. Il récolte, par un effet boomerang, le résultat de ses mauvais choix. Sa fumeuse formule « la patrie avant le parti» a été appliquée à contre-pied au profit de sa famille restreinte. En fait, il a sacrifié les deux. Son coéquipier a su bien le neutraliser, comme le boa constricteur étouffe sa proie dans ses replis. Et ce, en s’enroulant autour d’elle et resserrant insensiblement ses anneaux. Il peut toujours se targuer de 5 années de paix civile au cours desquelles il a abandonner l’appareil de l’État et l’administration publique aux razzias des islamistes, en attendant le déluge.
En prenant une saine distance par rapport à ce qui se déroule sous nos yeux, on ne peut que réitérer à tous les agités du bocal, qui ont mis la Tunisie en coupe réglée, tant leur impunité leur paraît évidente, que les Tunisiens ont en assez de toutes ces sornettes. Ils ne peuvent que renvoyer dos à dos tous les politiciens à la petite semaine. Derrière leur opposition apparente, ils n’ont cessé de porter préjudice à ce peuple et à ce pays durant cette mandature.
L’unique rayon d’espoir à l’horizon demeure des élections véritablement transparentes et crédibles qui se traduiraient par un vote sanction massif, écartant tous ceux qui ont nui aux Tunisiens et à la Tunisie. Les seuls garants, qui bénéficient de la confiance de ce peuple trahi, sont ceux qui supervisent la sécurité du territoire national dans une attitude tout à fait légaliste. Notamment au travers de l’Armée nationale tunisienne et les forces de sécurité. C’est à eux qu’incombe la responsabilité de veiller sur le bon déroulement de tout le processus jusqu’à la clôture de cette parenthèse périlleuse dans l’histoire de ce pays.