On ne se présente pas à la magistrature suprême sur un coup de dés. Ni sur un coup de tête d’ailleurs ! Les ambitions personnelles des uns et des autres n’intéressent personne. Le tout-à-l’ego est à bannir !
Les annonces qui affluent déjà confirment qu’il y aura pléthore de candidatures, nombreuses sont fantaisistes. Ces dernières polluent l’atmosphère, telles les mauvaises herbes disséminées ça et là dans le jardin électoral, des plantes envahissantes dont le développement est favorisé par les perturbations de l’écosystème politique actuel. Le désherbage ne s’effectuerait qu’en s’en détournant et en se concentrant sur les candidatures qui représentent un véritable intérêt pour le pays dans cette conjoncture si délicate. Il convient de reconnaître que les profils valables ne courent pas les rues.
Elire un président de la République tunisienne exige de la part de l’électorat un certain degré de discernement. On ne vote pas avec son « moi haïssable » trempé dans l’encre bleue, sinon le prochain élu serait un président raté. La raison doit dominer les passions du côté des prétendants comme de celui des électeurs.
Choisir un candidat, c’est choisir un programme et un profil psychologique. C’est choisir celui, ou celle qui honorera vraiment le titre durant les cinq prochaines années. C’est en fait opter entre le pire et le moindre mal, et ce moindre mal comme un bien, dirait le florentin Machiavel ! Il n’est pas inutile de rappeler certains principes et traits qui pourraient guider les votants. Ils ne figurent pas dans la Constitution ou dans d’autres textes juridiques qui organisent les élections. Mais ils s’imposent dans le contexte actuel et au moins pour les cinq prochaines années, afin de stabiliser le pays et franchir cette étape combien critique.
Une fois pour toutes, abandonnons la recherche du père comme pour se consoler d’une perte. Le temps des Pères de la Nation est révolu. Il convient d’avancer, de se libérer de ce désir de tutelle du patriarche. Cette notion sociologique à connotation génétique et lignagère est en contradiction avec la réalité sociale tunisienne. Essayons donc d’inaugurer une mutation culturelle dans notre mentalité pour une autonomie essentielle, vers un processus qui inaugure la séparation de cette notion de la parenté et du champ politique.
Ce qui est rechercher pour 2019-25 n’est pas du même ordre. Il ne faut garder à l’esprit que celui ou celle qui serait élu(e) incarnera toute la nation tunisienne, en dépit des attributions que lui accorde la Constitution, même jugées réduites par certains. S’il faut reconsidérer des articles de la Constitution, concevons-le sans précipitation. Cette personne sélectionnée doit avoir une grande capacité de travail et de l’endurance, une aptitude à prendre les décisions, avec pragmatisme et bon sens, sans succomber à ses intérêts propres ou agir en fonction de rancunes personnelles comme cela a été le cas dans le passé. Elle doit avoir une grande connaissance des sujets les plus essentiels : les problèmes militaires, sécuritaires, éducatifs, et sociaux. Sa grille de lecture des événements qui nous attendent exige d’être ouverte sur le plan de l’évolution des mœurs, avec le courage de dire la vérité. Bien évidemment, la probité est l’une des qualités essentielles.
Quant au programme d’actions ou des mesures projetées, il s’articulerait autour de quelques axes majeurs, définis par l’article 77 de la Constitution, à savoir : « déterminer les politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relative à la protection de l’État et du territoire national des menaces intérieures et extérieures ». Ce qui pourrait se traduire à travers la réalisation des initiatives suivantes :
- Agir, en collaboration avec les différentes institutions, pour débloquer le dossier de la Cour constitutionnelle dès la première année de la mandature, en garantissant le caractère non politisé dans la nomination des juges.
- Évaluer la pertinence de la politique étrangère, telle que menée au cours des dernières années, en effectuant un rééquilibrage du positionnement géopolitique et économique de la Tunisie et ses liens de coopération, en agissant pour l’intégration effective de la diplomatie économique et culturelle, dans le cadre du travail des représentations diplomatiques, en procédant à la réorganisation du réseau diplomatique, reconsidérant toute affectation marquée par des accointances familiales, à caractère clientéliste ou régionaliste dans les missions diplomatiques et consulaires, pour les chefs de poste ou le personnel administratif et technique.
- Mettre en place une structure nationale de coordination du renseignement pour aboutir, avant la fin du mandat, à la création d’une Agence nationale de renseignements.
- Promouvoir les libertés individuelles et l’égalité entre les citoyens dans les textes de lois (dont l’égalité dans l’héritage).
- Soutenir efficacement les actions en justice pour clarifier le rôle de l’appareil secret du mouvement Ennahdha et veiller à la condamnation des coupables.
- Agir réellement pour élucider les assassinats de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi et faire juger les commanditaires et les exécutants.
Naturellement, le prétendant au poste avec ce profil ébauché pourrait faire preuve de cran et d’imagination pour exposer aux citoyens d’autres initiatives qui permettraient de réelles avancées, afin de sortir du « goulot de la bouteille » dirait-on. Cette fameuse bouteille dans laquelle nous pataugeons à la suffocation depuis 2011, suivi d’un espoir déçu en 2014.
Il n’a surtout pas intérêt à laisser penser que ses promesses ne seront pas tenues, pour nous démontrer qu’en fait les droites parallèles de la géométrie classique, comme en politique, ne peuvent pas se rencontrer.