Quelques heures seulement après le massacre perpétré par « un blanc » à El Paso au Texas ayant fait 20 morts et 26 blessés, une autre fusillade meurtrière éclatait dans un bar à Dayton dans l’Ohio où le forcené armé tuait neuf personnes avant d’être descendu par la police. Le massacre d’El Paso intervient trois jours après une autre fusillade à Gilroy en Californie ayant fait trois morts et 13 blessés.
Bien que les fusillades meurtrières soient légion en Amérique, c’est la première fois que trois massacres d’innocents par des forcenés armés sont perpétrés en trois jours. Depuis le début de l’année, 32 fusillades meurtrières ont éclaté aux Etats-Unis. Ces dernières se déroulent dans des lieux publics et font des centaines de morts dont le seul tort est de s’être trouvés dans le mauvais endroit au mauvais moment.
Le shérif d’El Paso, Richard Wiles, qui supervise la prison où se trouve le meurtrier des 20 personnes et 26 blessé au Texas, qualifiait l’attaque de « raciste » dans un message publié sur Facebook samedi soir.
« Cet homme blanc est venu ici pour tuer des Hispaniques », écrit-il. « Je suis outré et vous devriez l’être aussi. Cette nation entière devrait être outrée. De nos jours, avec tous les problèmes graves auxquels nous faisons face, nous sommes encore confrontés à des personnes qui en tuent d’autres en raison de la couleur de leur peau. »
Car, il semble effectivement que le tueur d’El Paso a agi par racisme. La ville d’El Paso qui compte près de 700.000 habitants est située sur le Rio Grande, la frontière naturelle avec le Mexique. Les Hispaniques et les Latinos constituent près de 85% de la population. D’ailleurs, la justice américaine est en possession d’un texte haineux, anti-hispanique écrit par le tueur. Il confirmerait le mobile raciste du massacre.
Dans un article intitulé « Quand la haine s’installe à El Paso », le New York Times rapporte les propos d’un citoyen texan qui a lu le manifeste haineux écrit par le tueur : « Cette attaque est une réponse à l’invasion hispanique du Texas. Je suis simplement en train de défendre mon pays contre l’invasion culturelle et ethnique ». D’après le citoyen texan d’origine hispanique, ce qui se passe dans la tête du tueur « est terriblement simple : tuer des Hispaniques dissuadera les immigrants de venir et poussera les citoyens (latinos) à quitter le pays. »
Sauf que le tueur est aussi ignorant que ceux qui l’ont inspiré. Les latinos vivent au Texas depuis 1690. Et donc bien avant que les ancêtres du tueur n’arrivent au nouveau Monde. C’est-à-dire au temps où toute cette partie de la planète s’appelait « New Spain » (la Nouvelle Espagne). Et le Tejas (avant de devenir Texas) faisait partie intégrante du Mexique, à l’instar de plusieurs autres Etats de la fédération américaine, dont la Californie.
Ainsi, les massacres d’Américains dans les places publiques par des forcenés armés sont devenus routiniers, nonobstant leur caractère dramatique. Le caractère dramatiquement répétitif de ces tueries s’explique facilement : les Américains qui représentent 4,4% de la population mondiale, détiennent 42% des armes à feu dans le monde. Selon une étude faite en 2015 par Adam Lankford, professeur à l’université de l’Alabama, de 1966 à 2013, 31% des massacres perpétrés par des armes à feu dans le monde concernent un seul pays : les Etats-Unis d’Amérique.
Le plus consternant, est que, en dépit de ces chiffres effarants, la National Rifle Association (RNA) qui défend bec et ongles le droit de posséder des armes, continue à caracoler en tête des lobbies les plus puissants de Washington. Un lobby si puissant qu’il continue depuis des décennies à s’opposer avec succès à toutes les tentatives menées par les rares politiciens courageux de réformer la loi sur la possession des armes aux Etats-Unis.
Mais le massacre d’El Paso est un cas unique : c’est la première fois dans l’histoire du pays que les Latinos sont visés par un massacre raciste. Beaucoup de commentateurs ont établi un lien entre la tuerie d’El Paso et les attaques systématiques menées par le président américain Donald Trump contre l’immigration hispanique. Trump a fait du mur qu’il veut construire à la frontière avec le Mexique une obsession. Ses tweets relatifs à l’immigration hispanique sont des invectives racistes et xénophobes. Il parque des immigrants illégaux dans des cages en fer et sépare les bébés et les enfants de leurs mères… De là à établir une relation entre la campagne anti-hispanique de Trump et le massacre raciste d’El Paso, beaucoup, dans les médias et sur les réseaux sociaux, ont, à juste titre, franchi le pas.
On était habitué avec les autres présidents américains à l’incapacité congénitale de l’Amérique à produire des politiques génératrices de paix et de prospérité dans le monde. Cependant, Trump a fait un pas de plus. Non seulement il est un fauteur de trouble qui multiplie les ennemis de l’Amérique et fait monter brutalement la tension internationale; mais, par ses invectives racistes, il met en danger la sécurité de millions de Latinos dont certains vivent au Texas bien avant que les ancêtres de Trump n’émigrent vers l’Amérique à la recherche d’une vie meilleure…