Le Grand Tunis « génère » quotidiennement quelque 3 500 tonnes de déchets ménagers. Le sort de ce gigantesque volume est d’être jeté dans des décharges telles que celle de Borj Chakir.
Sous la pression d’une population dont les conditions de vie sont devenues insupportables et d’un incendie qui s’est déclenché en juin dernier, ce centre ne fonctionne plus comme avant. C’est un calvaire pour les municipalités qui ont dû recourir aux décharges d’autres gouvernorats limitrophes à la capitale. Selon les experts, la construction d’un nouveau centre nécessite au moins 18 mois, une longue période qui risque de tourner à la catastrophe environnementale.
Une chaîne défectueuse
Ce qui complique la donne, c’est l’absence de tri et de collecte sélective par les municipalités. La culture de sélection des déchets est absente chez le Tunisien, créant une source de revenus pour des acteurs informels. Chaque soir, ces derniers partent dans une course contre la montre avec les services de la municipalité pour tenter de récupérer les articles de valeurs comme les métaux et les plastiques. Il ne reste quasiment que les déchets ménagers qui ne sont pas, en fin de compte, valorisés mais jetés dans la nature.
Même en l’absence d’un traitement particulier, les municipalités sont en train de payer des coûts importants. Ces coûts ont tendance à augmenter avec la hausse des volumes et des charges opérationnelles (carburants, camions, entretien et main d’œuvre). La majorité des maires choisit alors de déléguer la collecte des ordures à des acteurs privés qui appliquent un modèle de ramassage classique de porte à porte. L’objectif est de réduire les prix au moment où les externalités négatives sont inestimables.
Possibilités de création de valeur
Comment faire de ces déchets un centre de profits ? Il y a deux principaux modèles.
Le premier est la production de l’énergie à partir de ces déchets. En Allemagne et dans les pays scandinaves, plusieurs dizaines de milliers de véhicules roulent grâce au biogaz, une ressource peu polluante. Le même processus qui permet de produire ce gaz peut également fabriquer un compost de très bonne qualité utilisé dans l’agriculture. A court terme, ce genre de solutions n’est pas envisageable à grande échelle en Tunisie.
Il convient donc d’appliquer le deuxième modèle, plus réalisable dans nos conditions actuelles : créer de grandes usines capables de composter les déchets organiques et de transformer les déchets durs (papier, carton, plastique, verre, métal) pour redevenir des matières premières.
Néanmoins, cela exige que les municipalités reprennent les choses en main côté tri. En 2019, il est inacceptable de rester à l’écart d’un business mondial estimé à plus de 175 milliards d’euros. Cela passe par des investissements, idéalement en PPP, pour la construction d’unités spécialisées.
Un contexte favorable pour lancer l’industrie
Et c’est le moment où jamais pour se lancer. Actuellement, il y a une vraie crise chez nos voisins de la rive nord de la Méditerranée. Début 2018, la Chine a décidé d’interdire l’importation de 32 catégories de déchets. Ce pays, qui absorbait les débris de tous les grands pays, a eu conscience de la dangerosité de certains produits sur l’environnement.
La Tunisie peut aller chercher des partenariats avec les pays européens pour lancer des plans communs de traitement de ses déchets. Bien évidemment, nous ne disons pas qu’il faut importer ce que les autres refusent, mais plutôt profiter de la réflexion sur ces sujets et sur la montée des Verts dans les instances de décisions de l’Union.