Rumeurs, maquillages, fuites et révélations. Tel est le lot quotidien de nombreux messages sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Œuvres de « chargés de missions » qui ne se présentent pas toujours à visage découvert. La jeune démocratie tunisienne s’essaye, à l’occasion de la Présidentielle du 15 septembre 2019, à ce jeu dangereux qui ne fait que nous éloigner du débat essentiel : celui des programmes et des idées. Il est à se demander, au vu de ce qui se pratique ces derniers jours sous nos yeux, si nous nous ne sommes pas tombés si bas.
Mentez mentez, il en restera toujours quelque chose. Ce conseil utilisé par les propagandistes de tout poil semble avoir été adopté ces derniers jours par un ensemble d’acteurs des réseaux sociaux dans notre pays. Il suffit du reste de jeter un coup d’œil, ne serait-ce rapide, sur ce flot de messages incessants et diffusés à répétition pour s’en rendre vite compte. Quelquefois sous forme de pages « sponsorisées ». Ce qui en dit long sur les véritables intentions de leurs auteurs.
Et il y a, pour ainsi dire, de quoi boire et manger. On retrouve évidement des news, en fait des fake news, qui donnent l’impression d’être vraies. Souvent bien maquillées. En fait des rumeurs. Comme ce sondage qui présente un classement des candidats à la présidentielle du 15 septembre 2019 dans un certain ordre.
Reste qu’en fouillant un peu, le cabinet qui l’aurait réalisé n’existe pas. Il serait domicilié en Suisse. On a pourtant beau inscrire le nom du cabinet dans tous les moteurs de recherche, il n’existe pas. Comme son logo. Une manœuvre qui ne fait que prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages, comme dit une certaine expression française. Une formule qui fut reprise par le Général de Gaulle, président de la République française, dans une conférence de presse.
Nuire ou faire croire
Idem pour ces news qui disent que tel candidat aurait acquis tel ou tel autre bien immobilier dans un quartier très huppé de Tunis et à l’étranger. A coup de millions de dinars. Ou encore qu’il aurait déclaré cela et ceci. Des informations publiées dans un objectif bien clair : nuire ou faire croire.
Même procédé également pour ces photos qui sont maquillées grâce à Photoshop. Plaçant, par exemple, tel candidat ou tel autre avec une charmante créature ou un personnage plus ou moins détestable. Avec lequel il ne devrait pas être photographié.
Les vidéos font également partie du décor. Elles montrent un candidat dans une mauvaise posture. Souvent en contradiction avec ce qu’il dit ou fait. Ou encore reproduisent des fragments de discours ou de déclarations. Les fuites –ou ce qui peut en tenir lieu- constituent, à ce niveau, un idéal.
Dans le répertoire des propagandistes, il y a également la formulation de questions ou d’affirmations qui ne peuvent logiquement qu’aboutir à un constat ou une situation que l’on voudrait que l’internaute « découvre » par lui-même. Soit l’aboutissement logique d’une déduction. Il y a aussi les insultes plus ou moins avouées. Ne touchant pas toujours la vie publique, mais la vie privée.
Des « campagnes à l’américaine »
Des procédés qui font partie de ce qu’on appelle les campagnes « à l’américaine ». Des campagnes faites de « boules puantes ». « Littéralement, la boule puante, écrit Marie Merdrignac, dans Ouest-France, le 26 janvier 2016, dans un article sur les révélations du Canard enchaîné, en 2017, sur l’emploi accordé par François Fillon, alors candidat à la présidentielle à son épouse, et qui lui aurait fait perdre l’élection, est une petite ampoule contenant du sulfure d’ammonium. Une fois l’ampoule brisée, le sulfure d’ammonium libère du sulfure d’hydrogène qui se diffuse rapidement et laisse une odeur proche de l’œuf pourri ».
Et Marie Merdrignac d’ajouter : « En politique, il n’y a pas l’odeur, mais le désagrément est le même. Une boule puante est une histoire aux relents de scandale. Elle est jetée sur la scène publique à un moment choisi pour porter tort à un acteur politique ».
La jeune démocratie tunisienne s’essaye à ce jeu dangereux qui ne fait que nous éloigner du débat essentiel : celui des programmes et des idées. Œuvres de « chargés de missions » qui ne se présentent pas toujours à visage découvert. Il est à se demander au vu de ce qui se pratique ces derniers jours sous nos yeux, si nous nous ne sommes pas tombés si bas.
Et si, par ailleurs, ces « bulles puantes » ne font pas que radicaliser les candidats à la présidentielle et les personnes qui ont l’intention de voter pour eux. En fait un exercice à double tranchant.