À l’approche de la présidentielle anticipée, trois notions littéraires et philosophiques semblent encore d’actualité. Ainsi, repenser l’acte de voter en invoquant des références littéraires et philosophiques, à la fois, serait une autre piste. Elle pourrait éclairer la lanterne de l’électeur avant de choisir le prochain président tunisien.
En effet, le vote nécessite une connaissance approfondie des profils des candidats. Et, loin des critères des uns et des autres, quelques notions littéraires et philosophiques, pourraient orienter l’électeur dans son choix du président tunisien.
Car ne nous leurrons pas! Littérature et philosophie n’ont jamais été déconnectées de la réalité politique. Elles interpellent les lecteurs assidus, entre autres, dans ce contexte électoral.
Pour en finir avec le Big Brother et son regard omniprésent
Ainsi, personnage très célèbre du roman mondialement connu « 1984 » de l’écrivain britannique Georges Orwell, Big Brother est l’incarnation de la dictature dans toutes ses manifestations les plus abominables. D’ailleurs, les Tunisiens en savent quelque chose pendant 53 ans. Procès inéquitables, disparitions forcées, torture, exil, meurtres politiques, assignation à résidence, violation de la vie privée et bien d’autres pratiques qu’on espère révolues.
Armés de la volonté inflexible de défendre cette démocratie naissante, les électeurs tunisiens, surtout ceux qui connaissent les affres de la dictature, pourraient se demander si le prochain président serait le garant des libertés. Avant de voter, ils pourraient, également, se demander si le prochain président barrerait la route à toute tentative de réinstauration des anciennes pratiques dictatoriales. En conséquence, l’électeur devrait voter pour éloigner le spectre de Big Brother.
De la nécessité de museler les Chiens de garde
Par ailleurs, chaque régime dictatorial a ses propres propagandistes. Les propagandistes se chargent de justifier tous les choix politiques et économiques du pouvoir en place. Sur les colonnes des journaux, dans les émissions télévisées et parfois par des plaidoyers. Les propagandistes offrent une « légitimité » au pouvoir en place.
Alors qu’ils défendent le pouvoir en place, ils s’attaquent d’une manière véhémente à toutes les voix libres qui s’élèvent contre la dictature en les taxant de vendus, mercenaires et autres qualificatifs péjoratifs. Les Tunisiens se rappellent sûrement des figures classiques des propagandistes.
D’ailleurs, en 1932, le philosophe engagé Paul Nizan parle de ces Chiens de garde (titre de son livre). Pour lui, un chien de garde est tout philosophe / écrivain qui se mure dans le silence sous prétexte de neutralité et d’objectivité pour protéger le pouvoir en place. Que dire alors de ceux qui ont préféré chanter les louanges des régimes dictatoriaux!
D’ailleurs, la propagande n’est pas uniquement l’apanage des écrivains et des philosophes. En 1997, le rédacteur en chef du mensuel Le Monde Diplomatique, Serge Halimi, parle des « Nouveaux chiens de garde ». Pour lui, une catégorie de journalistes, médias, analyste et experts sont les nouveaux Chiens de garde qui justifient et défendent bec et ongle les choix politiques du pouvoir. Les Tunisiens ont, alors, le droit de se demander si leur prochain président serait entouré d’une bande de Chiens de garde. Les électeurs ont le droit s’interroger sur le rapport du prochain président tunisien avec les intellectuels engagés. Le souvenir amer des propagandistes de l’avant 2011 n’est pas encore tombé aux oubliettes.
Pour un président tunisien fidèle à une Révolution permanente
Tant que la révolution n’a pas atteint ses objectifs, elle demeure toujours permanente. Conçu par le philosophe Karl Marx au 19ème siècle, le terme révolution permanente désigne « le processus par lequel la révolution ne s’arrête pas tant qu’elle n’a pas atteint tous ses objectifs. ». La révolution du 17 décembre 2010 / 14 janvier 2011 n’a pas encore réalisé tous ses objectifs à l’exception de la liberté d’expression et celle de la presse. De ce fait, la révolution tunisienne est une révolution permanente jusqu’à la réalisation de l’inclusion sociale et économique. Le prochain président tunisien serait-il fidèle à l’esprit d’une révolution qui a montré la voie aux autres pays arabes ? Serait-il capable d’agir, dans la mesure de ses prérogatives et de répondre aux revendications de la révolution ?