« L’action politique ne cadre pas avec les objectifs que disent poursuivre les partis politiques. C’est pourquoi le langage politique doit pour l’essentiel être constitué d’euphémismes, de pseudo-banalités et de vaporeuses ambigüités ». George Orwell.
On assiste embarrassé à un spectacle politique grotesque, poussé jusqu’à l’absurde. Comme si tout est fait pour brouiller les cartes afin de mieux déboussoler l’électeur.
Le jeu malsain qui est employé consiste à coller à presque tous les candidats les soupçons d’une collusion avec Ennahdha ou avec des personnages sulfureux, nommément ou par insinuations. Ces allégations sont distillées, à coups de demi-mots et de sous-entendus. Même ceux qui crient à tue-tête, qu’ils n’ont rien à avoir avec cette mouvance ni avec ces personnages, ne sont pas écoutés. « Chat échaudé craint l’eau froide », la mauvaise tournure prise après les élections de 2014 avec « les parallèles qui ne se rencontrent jamais », hante encore les esprits !
Le résultat est que tout le monde soupçonne tout le monde d’avoir passé une entente sous table avec la branche locale de la confrérie islamiste; ou d’être soutenu par l’un de ces perpétuels « faiseurs de roi » dissimulé des yeux et tirant les ficelles. Insinuez, insinuez, il en restera toujours quelque chose et la nuit tous les chats sont gris !
En tête de ces manipulateurs cyniques, on retrouve des éléments d’Ennahdha qui semblent éprouver un malin plaisir à accréditer ces allégations par des déclarations emphatiques, l’air faussement calme trahissant une innocence suspecte. Une fourberie mentale qui est employée pour paraître comme l’élément incontournable dans l’équation politique future. Moralité de cette histoire, qui veut noyer un candidat, l’accuse de fourberie islamiste. Tous les prétextes sont bons pour éliminer l’adversaire.
Les campagnes de désinformation deviennent de plus en plus sophistiquées à travers des déclarations fausses ou déformées. Combien de faux profils s’affichent et de pages sponsorisées ?
Quelques officines se livrent à des opérations fantaisistes sur les votes, par le biais de sondages clandestins diffusés sous le manteaux pour tenter de peser sur le résultat dans une logique autoréalisatrice. Ces opérations sont exécutées par de véritables réseaux ayant acquis un certain professionnalisme.
Une autre forme de mensonge par omission est particulièrement prisée. C’est la technique de la diversion et de l’enfumage qui consiste à noyer le sujet avec un luxe de détails pour esquiver l’essentiel et détourner l’attention…
Il ne suffit pas aux mercenaires de la politique de tout entreprendre pour brouiller les pistes et désorienter l’électeur. Ils se démènent comme des diables pour faire de ces élections un coup pour rien, une action inutile, un véritable coup d’épée dans l’eau. Nombreux parmi les citoyens craignent que les résultats soient scellés d’avance, lorsque le chef de la confrérie affirme le 31 août 2019 que son parti s’attelle à ravir les trois présidences, à savoir à Carthage, la Kasbah et Le Bardo.
On ne peut que s’étonner devant l’impudence de ces aventuriers et leurs auxiliaires qui ont mis le pays à genoux au bout de neuf ans de gabegie. Et qui osent encore convoiter le pouvoir pour poursuivre leur désastreuse besogne de démolition.
On constate qu’à travers toutes ces pérégrinations électorales, les tenants actuels du pouvoir ont pour unique visée que rien ne change. Tout est fait de telle façon pour qu’ils s’enracinent ad vitam æternam!
Le sentiment d’inquiétude se profile particulièrement à cause d’une Instance supérieure indépendante pour les Élections empêtrées dans ses contradictions endogènes. Par la volonté de quelques éléments infiltrés qui veillent au grain (le dernier épisode est le gel du poste de porte-parole officiel); la gestion du nombre excessif de candidatures pour les présidentielles (26) et les législatives (1503 listes); l’ampleur des exigences logistiques qui donnent le tournis aux plus scrupuleux; la multitude de dépassements commis par des candidats qui bénéficient de l’impunité dont les prêches électoraux dans certaines mosquées; le contrôle quasi-utopique des comptes de campagne (financements déguisés, dépassement du seuil de dépenses autorisé…) qui intervient a posteriori avec une lenteur qui le rend inutile (la Cour des comptes et la Banque centrale sont sollicitées aussi); le casse-tête pour la conduite d’une situation avec un candidat incarcéré et un autre à l’étranger apparaissant en trois dimensions, mais en fait en creux.
L’ISIE ne peut pas continuer à se défiler de ses responsabilités en se débarrassant des « patates chaudes » pour les refiler à la Justice ou à d’autres protagonistes, ni à se dérober au lieu d’être réactive lorsqu’il le faut. On est en droit de se poser la question : serait-elle dépassée par les événements ?
D’ores et déjà, des interrogations se posent sur la présence équivoque d’une organisation non gouvernementale étrangère, engagée dans le domaine de l’assistance technique électorale, dont les membres traînent leurs guêtres dans les couloirs et les bureaux de l’ISIE.
Les observateurs internationaux sont les bienvenus à condition de ne pas s’immiscer dans des sujets qui sont du ressort de l’Instance ou d’accéder à des données confidentielles.
Il faut donc être d’une extrême rigueur tout au long du processus en cours. Pour assurer le bon déroulement de toutes les opérations et leur transparence, sans interférences d’où qu’elles viennent.
Force est de constater finalement que ce sont des élections ouvertes à toutes les probabilités. Il est difficile de faire des pronostics sur les chances des candidats, ni sur le niveau d’abstention. Beaucoup d’indécis pourraient ne se prononcer qu’à la dernière minute dans l’isoloir, lassés des politiques, déçus par les mensonges et l’incompétence. Les « sondagiers » à la sauvette, malgré la trêve officielle des sondages, peuvent aller se rhabiller !
Il faut cependant souligner que la branche locale de la confrérie islamiste serait gagnante dans le cas où le taux d’abstention serait très élevé. Le million cinq cent mille nouveaux inscrits seraient escamotés par un grand nombre d’abstentionnistes, frayant ainsi le chemin au socle électoral, qui s’est érodé certes, mais qui se situe à 600.000 voix environ garanties.
Il convient de rappeler qu’Ennahdha a perdu quelque 453.092 électeurs entre 2014 et 2018 et 1.007.378 électeurs entre 2011 et 2018. Le nombre de ceux qui avaient voté pour lui en 2011 a été de 1.501.320 et de 947.034 en 2014. En 2018, il descend à 517 234 votants. Il a donc perdu la moitié de ses électeurs depuis 2014 et les 2/3 depuis 2011.
Se désintéresser de ces élections aussi capitales, c’est clamer leur inutilité et donc faire le jeu de ceux qui nous ont ruiné, pour aboutir à un bilan aussi désastreux. Heureusement qu’il y a les réseaux sociaux pour les Tunisiens comme défouloir contre ces politiciens corrompus, sinon ce serait le soulèvement permanent !
Ne pas voter, c’est laisser ces mercenaires et leurs préposés décider pour les citoyens honnêtes qui triment toute leur vie pour élever et éduquer leurs enfants, c’est se priver du moyen le plus simple de peser sur notre destin.
Le vote est l’acte de citoyenneté par excellence, c’est le moyen de protéger nos libertés. Il ne faut pas se laisser gagner par la désillusion, car nous ne sommes plus du tout dans la même configuration qu’en 2014.