La relation entre la lutte contre la corruption et l’économie demeure intimement liée. Si la corruption gagne du terrain, la vie économique en général et l’investissement en particulier en subissent de plein fouet les répercussions désastreuses.
C’est, entre autres, l’une des conclusions de la conférence-débat sur « La transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique : l’expérience et le bilan de la Loi Sapin 2 ». Organisée par la CONECT et l’INCLUCC, l’événement s’est déroulé au siège de l’INCLUCC. Thouraya Bekri, coordinatrice du projet Renfoncement de la redevabilité publique auprès du PNUD, a exposé les recommandations liées à cette thématique.
La lutte contre la corruption : une histoire de confiance avant tout
Le cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption devrait s’inspirer des normes internationales, estime-t-elle. Cela se fait dans le cadre d’une approche participative avec la société civile. Par ailleurs, l’impératif de la confiance en les institutions de l’Etat est crucial. A cet égard, elle souligne l’importance de la confiance des investisseurs dans le climat des affaires, rassurés qu’ils sont par l’existence de la loi anticorruption.
Quant au processus de l’élaboration des lois, l’intervenante déclare : « Plus les lois sont débattues et revues, plus elles seront efficaces ».
Mais qu’en est-t-il de l’impact de ces lois ? À cet égard, elle considère qu’il ne faut pas, parfois, élaborer de nouvelles lois. Il suffit simplement d’amender les lois existantes en les alignant aux normes internationales. D’ailleurs ce processus commence à être fait à travers des études d’impact.
Concernant la contextualisation et la domestication des lois internationales, l’interlocutrice s’est interrogée si les lois répondent aux besoins de tous les pays. Pour elle, il faut étudier la question de la contextualisation en fonction de la taille des entreprise tunisiennes à un moment où elles s’attaquent aux marché africains.
De la nécessité d’innover
Par ailleurs, l’innovation a son rôle à jouer dans ce domaine. Ainsi, les solutions proposées en matière de lutte contre la corruption doivent faire preuve d’innovation. Elle a indiqué que l’élaboration de lois non appliquées, décriées et en contradiction avec d’autres loi est un élément qui interpelle.
Le président de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (Conect), Tarek Cherif donne son éclairage sur la question.
Il a plaidé pour l’élaboration d’une loi anticorruption qui s’adapterait et s’améliorerait à travers les années. Il avance que ce type de loi peut minimiser la corruption. Pour lui, il est illusoire de dire qu’il n’existe pas de corruption et de corrompus en Tunisie. La corruption existait avant 2011 et après 2011. « La corruption est l’un des freins à l’investissement », lance-t-il.
Pour lui, l’investissement rime avec création d’emplois et création de richesses. Afin de créer cette richesse, il faut s’armer de confiance. Afin de renforcer la confiance, le président de l’organisation patronale a recommandé l’application stricte de la loi.
De son côté, le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), Chawki Tabib a affirmé que 23 ans se sont écoulés entre la loi Sapin 1 et la loi Sapin 2, ce qui prouve la pertinence de cette loi.
Revenant sur cette loi, il a affirmé qu’elle cible plusieurs volets à l’instar de l’encadrement juridique de la protection des lanceurs d’alerte, du programme anticorruption dans les entreprises privée, la création de l’agence française anticorruption ou le lobbying à travers la création du registre des lobbyistes. Pour lui, la Tunisie a pu réaliser plusieurs acquis en matière de lutte contre la corruption. Citant l’exemple de la loi des lanceurs d’alerte, il a rappelé que ses décrets d’application n’ont pas encore vu le jour. Par ailleurs, il propose l’amendement d’un certain nombre de lois afin qu’elles deviennent plus efficaces et soient applicables.
L’ampleur du fléau appelé corruption par les chiffres
Steve Utterwulghe, représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a affirmé que la corruption ça se chiffre. Chaque année 1000 milliards de dollars sont versés en pots-de-vin. Et quelque 2600 milliards de dollars, soit 5% du PIB mondial, sont détournés.
La même source estime que le coût de la corruption, chaque année, s’élève à plus de 5% du PIB mondial. Ainsi la corruption nuit à la croissance économique. Et a des conséquences négatives sur la productivité. Elle décourage la concurrence entrepreneuriale et réduit les recettes publiques des Etats. Il a rappelé que la Tunisie a pu améliorer son rang au classement des pays touchés par la corruption entre 2016 et 2018.