Les trois nuits tant attendues de débats télévisés sont terminées et les conclusions sont divergentes. Notamment en ce qui concerne l’ALECA.
Ainsi, loin de chercher à évaluer la prestation de chaque candidat, nous allons nous arrêter sur une idée largement partagée parmi eux. A savoir : suspendre les négociations avec l’Union européenne (UE). Et ce, à propos de l’Accord de Libre Échange Complet et Approfondi (ALECA).
De quoi parle-t-on ?
Pour que les choses soient claires dans la tête de nos chers lecteurs, l’ALECA n’est pas un nouvel accord. Mais plutôt un élargissement de l’actuel cadre qui gouverne notre relation économique et commerciale avec l’UE à de nouveaux secteurs d’activité.
En effet, l’accord d’association de 1995 ne prévoyait effectivement pas l’élimination des tarifs douaniers. Excepté pour les seuls produits industriels. L’objectif serait donc l’harmonisation des réglementations de l’environnement commercial, économique et juridique entre la Tunisie et l’UE dans l’agriculture et les services.
Mais ce qui manquait aux différents candidats était des faits et des chiffres qui évaluent l’expérience avec l’UE depuis 1995. Sans un tel rapport, est-ce que la Tunisie pourrait exporter des biens et services pour une valeur de 52,043 milliards de dinars durant les 20 derniers mois? Pourquoi se concentrer uniquement sur les importations (53,888 milliards de dinars sur la même période) et ne pas faire référence au petit déficit commercial avec ces pays? Depuis janvier 2018, la balance commerciale avec l’UE présente un déficit de 239 millions de dinars pour un déficit total de 31,913 milliards de dinars, soit 0,7% seulement du trou.
Négocier jusqu’au bout
Certes, l’ALECA ne pourra jamais être entièrement en faveur de la Tunisie. Comme tout accord commercial, il faut faire des concessions. C’est vrai que l’approche est présentée comme étant asymétrique en faveur de nous. Et que les secteurs fragiles vont bénéficier de mesures d’accompagnement et de mise à niveau. Mais le passage se fera certainement dans la douleur.
D’ailleurs, à notre meilleure connaissance, il n’y a pas d’études sérieuses qui estiment l’impact d’un tel accord sur le secteur des services. Néanmoins, un document de qualité a été réalisé par Rosa Luxembourg à propos des retombées sur le secteur agricole.
Et cette analyse révèle que la Tunisie n’est pas réellement un grand exportateur de produits agricoles dans l’UE; exception faite de l’huile d’olive et des dattes. Côté importations, l’essentiel des matières ne sont pas produites localement en quantités suffisantes, comme le blé dur, l’orge et l’alimentation du bétail.
De plus, l’étude insiste sur le fait que c’est la Tunisie qui va fournir le plus grand effort de démantèlement tarifaire. Au moment où nous protégeons le secteur primaire à travers la mise en place d’un régime douanier élevé (avec une moyenne de 30%); l’UE a déjà démantelé en grande partie son régime douanier et se protège en utilisant un système de subventions qui permet d’améliorer la compétitivité de ses produits. Cela fait que nos producteurs risquent de trouver d’énormes difficultés sur le marché interne.
Par conséquent, l’étude recommande de continuer à négocier des régimes préférentiels au cas par cas. Et de ne signer l’ALECA que si la question du soutien interne de l’UE à ses producteurs se clarifie au niveau de l’OMC.
Un prix politique en jeu
En outre, l’idée que se fait désormais la majorité des Tunisiens sur l’ALECA est négative. Et ce, après le bombardement médiatique de ces deux dernières semaines, qui va continuer avec les législatives.
A notre avis, il serait extrêmement difficile de les convaincre de son utilité dans le futur. Même si nous parvenons à décrocher un accord qui préserve tous nos intérêts.
Le bon sens fait que le prochain gouvernement prenne les choses au sérieux dès le début, en accélérant les négociations. Si elles aboutissent, il faut mieux signer un accord durant la première année, en espérant qu’il apporte les résultats escomptés vers la fin du quinquennat. Si le sujet va traîner, le signataire risque de se suicider politiquement et paiera le prix fort lors des élections de 2024. C’est donc l’un des principaux enjeux des années à venir.